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Le nouveau chapitre de Jacques Greene

Photo: Mathieu Fortin
Michael-Oliver Harding - Métro

Connu pour son savant mélange de textures techno, R&B et house, le producteur Jacques Greene entame un nouveau chapitre musical et rentre au bercail pour se livrer devant un public déjà conquis à l’Igloofest.

«En tant que producteurs, on est tellement choyés d’avoir la composante DJ set dans notre boîte à outils. C’est toujours super valorisant de jouer un de tes nouveaux morceaux sans que personne dans la salle sache que c’est le tien. Ensuite, t’as une réaction ou t’en as pas. (Rires) C’est cool de pouvoir faire un workshop en temps réel comme ça.»

Rencontré au Caffè San Simeon dans la Petite-Italie, un de ses repères montréalais, l’acclamé DJ et producteur Jacques Greene (alias Phil Aubin-Dionne) se remémore comment son dernier EP Fever Focus, qui navigue habilement entre euphorie mélodique et mélancolie énergique, a peu à peu pris forme. Celui qui a d’abord fait sa marque à l’étranger en remixant Radiohead, en produisant Tinashe et How To Dress Well, ou encore en faisant paraître bon nombre d’EP sur des étiquettes européennes avant-gardistes, a voulu entamer un nouveau chapitre à la suite de la sortie de son premier LP.

«En terminant Feel Infinite, je commençais déjà à travailler à autre chose. L’album, c’était un projet super, mais c’était long, et j’ai vraiment voulu me dégourdir et m’amuser après ça», affirme celui qui a longtemps repoussé la sortie de cet album, fortement inspiré par l’ADN du nightlife montréalais, puisqu’il voyait la chose comme une déclaration solennelle d’artiste, l’aboutissement d’une signature sonore.

«À l’inverse, Fever Focus, c’est surtout des outils que je me suis fait pour des DJ sets, avec plus de chaleur, des textures en retenue, un design sonore plus assuré. Je pense que c’est mon disque préféré.»

Entre pop et underground
La signature Jacques Greene, associée à des textures acidulées auxquelles se greffent de savants échantillonnages de voix hantées, a toujours servi de parfaite passerelle entre la pop et l’underground. La preuve? Il a été encensé tant par la bible de l’indie qu’est Pitchfork (figurant dans son décompte des «chansons de la décennie») que par les prix on ne peut plus mainstream que sont les Juno.

«Ce que j’adore dans la musique d’amis comme Nosaj Thing et Nicolas Jaar, ce sont les grandes idées, parfois de gros moments, qu’ils exécutent en faisant preuve de minimalisme. C’est ce que je souhaitais pour [mon dernier EP] Fever Focus : peaufiner mes compositions en ayant recours à moins d’éléments.» – Jacques Greene

Quant au nouveau chapitre qu’il entame, Greene le décrit comme une émouvante tablette de shoegaze-techno. «Quand je pense à mes albums préférés, ce sont souvent des énergies concentrées dans un seul et unique univers. Que ce soit les derniers disques de Playboi Carti, d’Earl Sweatshirt, l’album road trip Nebraska de Bruce Springsteen ou la phase kraut­rock de Davie Bowie sur Low. C’est vraiment une vibe, et c’est ce que je vise.»

Cela dit, cet engagement à se mettre au défi et à surprendre n’implique en rien que ses prochaines compositions soient méconnaissables. En fait, c’est tout le contraire.

«Le monde de la musique est obsédé par la nouveauté. Je suis sûr qu’il y a des journalistes hipster qui se diront : “Jacques Greene, c’est quoi, il va découper une autre voix et la plonger dans des textures de synthés? On a déjà entendu ça.” Je comprends ce point de vue, mais de mon côté, je peaufine quelque chose. C’est une identité qui évolue un peu, mais je ne suis pas non plus quelqu’un qui s’habille différemment en fonction du groupe d’amis avec lequel il est. Et j’ai toujours apprécié ça chez d’autres artistes. Il s’agit donc de trouver un équilibre entre la nouveauté et la continuité.»

Après avoir vécu quelques années à New York – «un grand plaisir, mais complètement épuisant» –, Greene a déménagé dans la Ville Reine, où il a lancé l’an dernier une soirée intitulée Beau Travail (en hommage au long métrage de la cinéaste Claire Denis), où sont notamment passés les Montréalais Project Pablo et Martyn Bootyspoon. Beau Travail s’inscrit dans la continuité des soirées communautaires qu’il organisait jadis dans sa ville natale. Une façon pour lui de renouer avec la dimension sociale et rassembleuse des clubs, qui a toujours à ses yeux été plus importante que la playlist. «C’est fait avec respect et amour. Règle générale, il n’y a pas de cynisme ou de sarcasme dans ce que je fais. Tout comme l’art qui vient le plus me chercher, d’ailleurs.»

Humoriste et DJ, 
même combat
En attendant une première mouture de Beau Travail à Montréal (dans les plans pour 2019), le public d’ici aura l’occasion de retrouver Greene en formule DJ set à l’Igloofest, où il tentera peut-être d’insérer d’audacieuses ébauches musicales afin de sonder la foule. Une stratégie d’ailleurs à l’origine de son pseudonyme, inspiré de l’intersection de l’avenue Greene et de la rue Saint-Jacques, créé afin de recevoir des commentaires non biaisés d’amis à propos de ses explorations rythmiques de l’époque. Un peu comme les humoristes qui tâtent le terrain devant des micropublics, selon le principal intéressé.

«Il y a quelques années, j’avais assisté à une soirée où Aziz Ansari faisait des sets pour 75 personnes dans un vieux bar de la rue Crescent. Quelque temps plus tard, c’est devenu son spectacle Modern Romance. Je pense qu’avec les humoristes et les DJ de musique dance floor, il existe vraiment une relation instantanée. Ta track peut être intéressante, mais si les gens arrêtent de danser, c’est comme une joke qui ne marche pas. C’est d’une honnêteté brutale.»

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