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L’histoire du Québec, l’histoire de Webster

Photo: Josie Desmarais/Métro

À l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs, Métro a rencontré le rappeur Webster, un des trois porte-parole de l’événement.

Rappeur actif depuis une vingtaine d’années, ce «SénéQueb», dont le père est né au Sénégal et la mère est Québecoise, est aussi un féru d’histoire qui n’a pas la langue dans sa poche. Ça tombe bien, parce que Webster utilise ces deux atouts pour nous faire découvrir un pan de l’histoire du Québec et du Canada que généralement nous ne connaissons pas.

Ainsi, de 1733 à 1743, le bourreau de la Nouvelle-France était un esclave martiniquais condamné à mort. Dénommé Mathieu Léveillé, il avait été acheté pour faire la sale besogne. Sa première victime? Marie-Josèphe-Angélique, une esclave noire accusée d’avoir voulu incendier la ville de Montréal!

«À Québec, le premier maitre esclave se nommait Guillaume Couillard. Quand je croise un Couillard et que je le lui dis, parfois il s’excuse. Je lui demande pourquoi? “Est-ce que tu as eu des esclaves?” “Non” “Et Olivier Lejeune (un esclave noir), ce n’était pas mon ancêtre.” Il faut aller au-delà de la culpabilité personnelle, bien que les institutions doivent jouer leur rôle de réparation», dit Webster.

En plus des ateliers d’écriture rap qu’il offre dans les écoles, Webster – qui chante Qc History X avec Karim Ouellet – propose de revoir notre histoire à travers le prisme de l’esclavagisme et de la présence des Noirs depuis les débuts de la Nouvelle-France, au XVIIe siècle, et à la faveur d’un parcours guidé (en français ou en anglais) dans la ville de Québec, où il habite.

Notons qu’il y a aussi eu des esclaves amérindiens, appelés Panis (nom francophone d’une Nation des Grandes Plaines), et cela aussi bien sous les régimes français qu’anglais. Et quels sont les principaux enjeux pour les Noirs en 2016? «Je dirais évidemment ceux qui sont liés au logement et à l’emploi, mais puisque je suis né ici, le mien s’articule davantage autour d’une relecture inclusive de l’histoire. Les gens doivent comprendre que les Noirs sont ici depuis le début de la colonie et qu’il y a eu des esclaves. Cette histoire ne doit pas être réservée à une certaine élite intellectuelle», insiste le Métis Webster, qui se sent plus Noir que Blanc et qui aurait aimé connaître cette histoire au cours de sa jeunesse. Ce qui aurait pu l’aider dans sa propre construction identitaire et qui, espère-t-il, pourra aussi aider des personnes issues de l’immigration, nées au Québec, mais ne se sentant pas toujours Québécoises.

«Quand Vaudreuil va capituler devant Amherst, le 8 septembre 1760, et livrer Montréal aux Anglais, l’article 47 stipule que les Canadiens-Français auront le droit de garder leurs esclaves et panis (esclaves amérindiens) et les éduquer dans la religion catholique romaine», rappelle Webster.

Cela étant dit, il ne faut surtout pas voir sa démarche «historico-musicale» comme une volonté d’accusation revancharde, mais plutôt comme une intention de réhabilitation historique.

Quant à la récente controverse entourant Louis Morissette, qui a dénoncé en entrevue les «moustiques» qui l’ont contraint à embaucher un Noir (Normand Brathwaite) pour jouer un Noir (François Bugingo) dans le dernier Bye Bye, histoire d’éviter, comme par le passé, le fameux «blackface», Webster tranche : «C’est la preuve d’une grande insensibilité culturelle et historique. C’est un phénomène qui existait aussi ici. Il y a une vieille photo où on voit un Blanc déguisé en Noir avec la mention, écrite sur une pancarte qu’il a dans le dos : “Le fardeau de l’homme blanc.” C’était une manière caricaturale de se moquer des Noirs. Certains acteurs devenaient très populaires comme ça et, plutôt que d’engager des Noirs, on prenait des Blancs qui se grimaient. Pour moi, il ne faut pas l’oublier et, là, ça revient avec une attitude négative.»
L’affaire de Louis Morissette, selon lui, pose aussi un autre problème, parce qu’on ne voit presque pas de Noirs dans les médias. «Jeune, j’aurais aimé avoir des modèles. Les rappeurs de New York nous ont influencés plus qu’aucun artiste québécois. C’est en me rapprochant de mon côté blanc que j’ai découvert la culture québécoise. Je suis contre la censure et en faveur de la liberté d’expression, mais il faut assumer. Louis Morissette a le droit de dire ce qu’il veut, mais il doit assumer la connotation raciste de ses propos», précise Webster de façon très sereine.

«Il y a des choses plus importantes que de s’arrêter à la terminologie. Tout est dans l’attitude, dans la connotation et dans l’intention. Dire “maudits Nouères”, par exemple, ça passe moins!» -Webster, répondant à la question : «Certaines personnes soutiennent qu’on ne devrait pas utiliser les mots “Black” ou “Noir” pour décrire quelqu’un, car cela relèverait déjà d’une discrimination. Qu’en pensez-vous?»

 

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