Chères Janettes,

Je ne pratique aucune religion, et dans mon cercle de proches et d’amis, une seule personne porte un foulard. Alors, si la charte de Drainville passe, elle ne bouleversera pas mon quotidien.

Néanmoins, dans ma vie de tous les jours, je fréquente des musulmans dont le niveau d’assiduité religieuse varie. Une majorité n’est pas assidue dans sa pratique et ne va jamais dans des lieux de culte. D’autres y vont de temps en temps, comme les catholiques à la messe de minuit. Une minorité pratique assidûment, mais on ne pourrait pas la qualifier d’«extrémiste avec un agenda politique».

Hélas, dans cette minorité qui arbore des signes religieux, ce sont surtout des musulmanes qui, du jour au lendemain, risquent de se faire interdire leur gagne-pain à cause de leur habit. Elles sont terrorisées. Qui aurait cru qu’une telle tournure des événements puisse se produire dans le Québec du 21e siècle?

Comme femmes libérées, si vous pouviez faire connaissance avec ces musulmanes qui, par ailleurs, ne sont ni contre l’égalité hommes- femmes, ni contre la laïcité, ni contre la neutralité de l’État, vous crieriez sûrement à l’aberration.

Et pour cause! Dans l’une de mes implications sociales, je siège au conseil d’administration d’un centre de la petite enfance niché dans l’un des quartiers les plus multiethniques du Canada. Parmi une vingtaine d’éducatrices, j’ai appris à faire connaissance avec trois qui portent le voile. Des travailleuses qui sont très appréciées par la direction, leurs collègues, les enfants et les parents.

Celles-là, elles seront mises à pied à cause de Drainville!

À l’image de la clientèle desservie dans le quartier, deux membres de notre C.A. portent un foulard. Elles y siègent à titre de représentantes du milieu, car chacune dirige sa garderie en milieu familial. Deux femmes parmi les plus joyeuses et sociables que j’ai eues à côtoyer. Toujours présentables et souriantes, elles jouissent de la même liberté et de la même autonomie que vous ou n’importe quelle autre femme qui gère sa petite entreprise.

Un soir par mois, elles arrivent au CPE, chacune conduisant sa propre voiture. Leurs «méchants» conjoints maghrébins s’occupent des enfants à la maison pendant que maman s’implique socialement.

Jusqu’à nouvel ordre, ces deux entrepreneures dévouées dans la communauté ne perdront pas leur permis d’exercer si la charte de Drainville passe telle quelle. Mais d’autres éducatrices seront mises au chômage, parce qu’elles sont femmes et qu’elles n’ont pas les moyens de démarrer leur propre garderie. La double peine!

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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