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Miinuatshiiwin (guérir)

Photo: Archives Métro

C’est ici, dans la même ville où mon père est allé au pensionnat autochtone, que j’ai décidé de briser mon silence des derniers jours. C’est encore dur d’en parler. J’oscille entre la rage et une profonde tristesse depuis quelques semaines. Je me heurte à la dure réalité que le pays que j’habite se fout allègrement des femmes autochtones.

Peser ses mots est un constant combat pour les Autochtones et les Inuits, sur la place publique. Monter le ton est une réaction qui suffit à nous faire considérer comme des militants radicaux, selon certains. Pourtant, nous avons toutes les raisons d’être fâchés et blessés. C’est la même chose lorsqu’on parle de racisme systémique. Soulever cette problématique amène certains allochtones à penser qu’ils sont tous racistes. Au contraire, ce que nous dénonçons, c’est un système politique et juridique qui n’a aucune compréhension de nos cultures et de l’oppression que nous vivons au quotidien. L’inaction aussi est un choix politique, après tout.

Les 22 femmes autochtones qui ont eu le courage de dénoncer des abus ne sont pas des cas isolés. En travaillant avec des Autochtones et en voyageant dans les communautés, on se rend compte assez vite que c’est une crise nationale. Ce n’est pas non plus seulement un problème de policiers, comme le dit Alexis Wawanoloath dans sa dernière lettre ouverte au Devoir. Ce qu’on retrouve dans les manuels scolaires participe vivement du maintien des barrières psychologiques entre nos peuples. On ne parle pas des enfants qui parlaient leur langue en secret, dans les pensionnats autochtones. On ne parle pas des motifs de la communauté de Puvirnituq, lorsque ses membres ont refusé de signer la Convention de la Baie-James et du Nord québécois. On ne parle pas de l’histoire des Annanacks au bord de l’extinction et comment une femme s’est sacrifiée pour son fils. On ne parle pas d’Olivia Ikey, Matthew Mukash, Roger Orr, Jeannette Pilot, des sœurs St-Onge, des Black Bears. Ce sont des monuments nationaux, vivants, qui tendent la main et qui sont au cœur de la résistance autochtone. Il faut cesser de nous garder dans le passé et dresser un portrait actuel de nos peuples. Là se trouvent les bases de la réconciliation et d’une certaine sécurité pour nos femmes.

Je suis profondément lassée de constamment mâcher mes mots, mais je vais quand même faire un effort. J’ai mal de vivre dans une province où Philippe Couillard fait la sourde oreille lorsqu’on demande une enquête pour les femmes autochtones au Québec. J’ai honte quand je pense que Justin Trudeau a budgété la somme ridicule de 210 M$ pour célébrer le travail d’un alcoolique génocidaire. Non, ce ne sont pas Macdonald et ses acolytes les pères fondateurs de ce pays: les femmes autochtones et inuites sont les mères fondatrices du Kanata. Lorsqu’une jeune femme de Kuujjuaq me dit que les travailleurs de la construction (allochtones) demandent souvent aux jeunes filles «combien elles coûtent par nuit» dans sa communauté, j’ai hâte qu’on règle le problème.

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