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L’autre côté de la médaille

Photo: Josie Desmarais/Métro

«C’est un principe de base, un principe de vie, il y a toujours deux côtés à une médaille.» C’est ainsi que débutait mardi soir le reportage de JE donnant la parole aux policiers de Val-d’Or au sujet de la crise qui secoue la communauté depuis qu’un reportage d’Enquête a révélé des allégations d’abus d’agents de la SQ dans la région.

Y a-t-il vraiment toujours deux côtés à une médaille? Est-ce réellement un… principe de vie? Une sorte de règle élémentaire du cosmos? Ou est-ce plutôt
le fruit d’une obsession nous poussant à espérer que le monde sera juste et équilibré? Et au fait, les deux côtés de la médaille se valent-ils?

Pour qu’ils s’équivaillent, encore faudrait-il que les acteurs jouent à armes égales. Or, le rapport de force ne peut être équivalent entre les femmes les plus vulnérables issues d’une minorité déjà marginalisée et les membres d’un corps policier protégés par la confrérie et un syndicat. Mais surtout, peut-on prétendre présenter l’autre côté de la médaille quand ledit côté est aussi prévisible que le retour de la neige en hiver?

«Avez-vous abusé sexuellement d’une femme autochtone une fois dans votre carrière?» demande le reporter Félix Séguin à un des policiers – les allégations qui le visaient n’étaient pas de nature sexuelle, mais qu’importe. Depuis quand une réponse à la question «êtes-vous coupable?» a-t-elle une quelconque valeur? Qu’espère-t-on qu’on nous répondra?

«Êtes-vous raciste?» poursuit l’enquêteur Séguin, espérant peut-être une révélation-choc. Question à laquelle l’agente Émilie Langlois répondra : «Tsé, ces personnes-là, y veulent pas s’aider.» Voilà de quoi «blanchir» une réputation, comme le prétend JE, dont le reportage se concluait sur cette affirmation de Félix Séguin : «C’est très clair qu’il y a une non-concordance des faits entre les allégations d’octobre 2015 et la version des policiers.» Sérieux?

Le prix Nobel de la paix Desmond Tutu disait: «Si vous êtes neutre dans les situations d’injustice, vous avez choisi le côté de l’oppresseur.» En quoi un diffuseur qui a tout intérêt à miner la crédibilité de son concurrent se place-t-il en situation de neutralité – ce que la rhétorique des deux côtés de la médaille évoque – en donnant la parole à ceux qui ont déjà la sympathie d’une bonne partie de la population? Comment peut-on ne pas voir de problème dans une situation où des décideurs majoritairement blancs donnent la parole à une majorité de Blancs en situation d’autorité, où le déni de la situation est accepté comme un fait incontestable, et où on est amenés à conclure qu’il n’y a pas de racisme systémique?

Quant aux femmes autochtones, qui n’avaient aucun intérêt à inventer des histoires et qui en subiront forcément elles aussi les conséquences, ont-elles le soutien et les ressources dont disposent ces policiers? Leur parole est-elle entendue comme celle des agents de la SQ dont l’association locale a les moyens de poursuivre Radio-Canada pour 2,3 M$?

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