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Laurent Blanchard: «Denis Coderre agit plus vite qu’il ne réfléchit»

Photo: Chantal Lévesque/Métro

Maire intérimaire de Montréal avant l’élection de Denis Coderre, Laurent Blanchard dresse un bilan contrasté de son successeur. Sans langue de bois, le président de Coalition Montréal, qui s’estime «retraité de la vie politique», livre ses vérités, inquiétudes et espoirs avant les prochaines élections prévues le 5 novembre prochain.

Mercredi, lun des trois élus de Coalition Montréal, Réal Ménard, maire de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, a rejoint le parti de Denis Coderre. Comment jugez-vous ce mouvement ?
Réal a eu l’honnêteté de nous annoncer son intention l’an passé et ça l’honore. Habituellement, le respect des engagements n’est pas une vertu cardinale en politique. Il a même fait un sondage dans son arrondissement, payé de sa poche, pour être sûr que son choix serait apprécié. Le maire [de Montréal] étant apprécié lui-aussi, il doit penser qu’avec leur duo, ce sera le nirvana.

Depuis les élections de 2013, Coalition Montréal a également perdu Russell Copeman, maire de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, qui a lui-aussi rejoint le maire
Denis Coderre est habile. Il a offert des postes importants à des personnalités qui n’étaient pas issues de la majorité et elles se sont laissé séduire. Mais si j’étais membre de ce parti, en voyant arriver des étrangers prendre ces postes, ça pourrait m’énerver. Pourquoi eux et pas moi, alors que j’ai déjà fait une campagne sous ses couleurs?

Comment jugez-vous justement le bilan de Denis Coderre?
Premièrement, il est connecté aux Montréalais, ce qui n’était pas le cas de ses prédécesseurs – mais je ne m’inclus pas là-dedans. Il est toujours là où on l’attend: pour rendre hommage à Tim Raines, pour assister à un match de l’Impact ou à la première d’un spectacle. Mais je pense qu’il agit plus vite qu’il ne réfléchit. Il y a eu des ratages, notamment avec les pitbulls et les calèches, mais aussi une forme d’autoritarisme difficile à accepter. Lorsqu’on est maire, ce ne sont pas nos fantasmes qui doivent nous guider, mais le bien commun. Avec lui, le bien personnel et le bien commun se confondent parfois.

Comment voyez-vous les prochaines élections municipales?
Je ne vois pas d’adversaire annoncé qui pourrait défaire M. Coderre. Il n’y a que Carey Price, s’il se présente, qui pourrait être élu (rires). Valérie Plante (Projet Montréal), aussi sympathique soit-elle, n’arrive pas à créer, pour l’instant, l’engouement que l’on avait vu avec Mélanie Joly, [arrivée en 2e position dans la course à la mairie] en 2013.

Coalition Montréal présentera-t-il un candidat?
On voit davantage l’avenir du parti à court terme. Nous n’avons jamais réussi à venir à bout de la dette accumulée lors des élections de 2013 qui est d’environ 200 000$. On l’expliquera à nos membres lors du prochain congrès – en mai ou juin –, mais notre situation financière ne nous permettra pas de présenter une équipe complète. Cependant, Montréal mérite une troisième voix. Entre Coderre et Projet Montréal, c’est l’autoritarisme contre le sectarisme. Je pense qu’il y a de la place pour une voix conciliante. S’il y en a une à Ottawa et à Québec, pourquoi pas à Montréal?

Mais ny a-t-il pas déjà Vrai Changement pour Montréal et sa chef, Justine McIntyre? Pourriez-vous former cette voix ensemble?
Ce parti reposait beaucoup sur l’image de Mélanie Joly [devenue ministre fédérale du Patrimoine canadien]. Mais arriveront-ils à transférer son image aux autres élus du parti? Je ne sais pas. Pour gagner la mairie à Montréal, il faut être un messie ou un chevalier blanc et je n’en vois aucun apparaître.

En avez-vous un en tête?
Montréal préfère les personnalités connues que quelqu’un sorti du seau. J’ai entendu les noms d’Alexandre Taillefer, [l’homme d’affaires fondateur de Téo Taxi], de Michel Leblanc [le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain] et de l’avocate Anne-France Goldwater circuler, mais je crois que personne ne veut y aller pour faire de la figuration. Pourtant, les Montréalais méritent plus que ce qu’ils ont comme choix. Je suis sûr qu’un troisième joueur pourrait se placer pour de futures élections.

Avec une chance de battre Denis Coderre en 2021?
Il a connu quelques dérives qui, si elles s’accumulent, pourraient le poursuivre après huit années à la mairie. Son parcours n’est pas parfait, il y a eu quelques contrats accordés à des proches, sans que tous les doutes raisonnables ne puissent être levés. Mais pour l’instant, il n’y a aucune perte de confiance de la population.

Et vous présenter à la mairie, est-ce une possibilité?
Pas vraiment. Disons que j’ai assez donné comme conseiller municipal, président du comité exécutif et maire intérimaire. Maire, c’est une job ingrate et mal reconnue. Ça ne m’intéresse plus et me présenter à nouveau comme conseiller, ce n’est plus stimulant. J’ai un âge avancé et à 65 ans, je ne suis plus un jeune poulain fringuant qui souhaite donner des leçons aux autres. Mais si quelqu’un me demande de l’épauler, de lui apporter des conseils, je verrais si c’est possible.

La politique ne vous manque pas?
Pas du tout. Les conseils municipaux et la période de questions n’ont jamais été mes moments préférés. Il y a trop de tartufferie. On se jette de l’huile sur le dos devant les caméras et lorsqu’elles se retirent, tout redevient normal. Ça fait partie des règles du jeu, je le sais, mais rien ne m’oblige à les apprécier. Ce que j’aimais par exemple, c’était de trouver un budget pour rénover un parc et voir les gens heureux.

Vous vous êtes retiré après une défaite en 2013 dans Hochelaga. Était-ce un soulagement?
Honnêtement, non. Ce n’était pas mon choix mais celui des électeurs. Ils m’ont mis en retraite prématurée, mais je ne m’ennuie pas. J’ai quelques biens immobiliers et des locataires à m’occuper. Je fais également du bénévolat auprès d’organismes. On me surnomme à la blague «mononcle Laurent». Parfois, des gens m’appellent, ils savent que j’ai quelques connaissances dans l’appareil municipal et j’aime rendre des services.

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