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Pousser les patrons montréalais à défendre le vélo

© Licensed to London News Pictures. 23/06/2016. London, UK. A "VOTE REMAIN' campaigner rides a bike carryings children through the streets in Islington, North London on the day the polls have opened in a referendum on the UK's membership of the EU. . Photo credit: Ben Cawthra/LNP Photo: Ben Cawthra/LNP

Ayant huit ans d’expérience en tant qu’activiste du cyclisme urbain, l’informaticien londonien Chris Kenyon est arrivé à convaincre les plus récalcitrants à adopter sa vision urbanistique d’une ville plus favorable au vélo. Il sera jeudi à Montréal et trouvera sûrement des apôtres intéressés à savoir comment faire bouger les choses, à l’heure où l’avenir de la voie Camilien-Houde échauffe les esprits. Entrevue.

Comment avez-vous fait bouger les choses à Londres?
Depuis 30 ans, les Londoniens militaient pour un meilleur réseau cyclable. Avec l’émergence d’internet et des réseaux sociaux, la caisse de résonance de ceux qui disaient que ce n’était plus acceptable a été démultipliée. En réponse, une coalition de cyclistes a créé la campagne Love London, Go Dutch en 2012. Londres est à 150 kilomètres d’Amsterdam et la météo est similaire. Pourtant, à Londres, seulement 2% des déplacements se font à vélo contre 35% à Amsterdam. Pour la campagne, on est arrivé à mobiliser 10 000 cyclistes qui ont pédalé jusqu’à l’hôtel de ville et on a forcé tous les candidats à la mairie à se positionner, notamment sur la création des autoroutes cyclables en site protégé, comme ce qui se fait aux Pays-Bas. On est arrivé à obtenir deux nouveaux axes réellement protégés le long de la Tamise et au centre-ville, pour un total de 20 kilomètres dans chaque direction.

En quoi l’activisme londonien se différencie?
Quand l’ancien maire Boris Johnson a proposé ces nouveaux axes en 2014, plusieurs médias et même la Chambre de commerce de Londres ont critiqué le projet en disant que c’était mauvais pour les affaires. Dans une ville financière comme Londres, c’est le genre d’argument qui fait hésiter les politiciens. Alors, on a répliqué avec une campagne CyclingWorks. Elle était basée sur le fait que les entreprises devaient prendre la parole pour défendre publiquement leurs employés et leur droit d’aller travailler à vélo de façon sécuritaire. À cinq et pendant six semaines, on a distribué plus de 8000 dépliants le matin aux feux rouges. Ça demandait aux cyclistes d’alerter leur patron pour qu’il nous signe une lettre publique de soutien. On a ainsi obtenu le soutien officiel de 200 PDG d’entreprises, telles que Microsoft UK, Coca-Cola Europe, Deloitte, les quatre grands hôpitaux, les grandes banques et universités, l’Opéra Royal et même le Financial Times et l’évêque de Southwark (Sud de Londres).

Est-ce que cette campagne a donné des résultats?
Avec le recul, on a su qu’à l’époque, le projet était sur la sellette ou à risque d’être revu à la baisse. Le maire était hésitant, mais quand il a vu autant de grands patrons prendre position pour le projet, il a plutôt décidé de l’accélérer. À notre connaissance, très peu de projets sont arrivés à rallier autant de chefs d’entreprise, mis à part l’agrandissement l’aéroport ou le maintien du pays au sein de l’Union européenne. Et les nouveaux tronçons sont un succès. Sur le pont Blackfriars, 70% du trafic à l’heure de pointe du matin est désormais composé de cyclistes. Vous pouvez y avoir jusqu’à 80 d’entre eux qui attendent que le feu passe au vert. Si tu es malchanceux, tu devras peut-être attendre deux feux avant de pouvoir passer. Mais ce qui est intéressant, c’est que les gens sont prêts à attendre.

«Nous sommes peut-être entrés dans une nouvelle ère sur la façon de concevoir la mobilité à Montréal et la nouvelle administration l’a bien fait sentir avec ses engagements électoraux. Mais on le sait, modifier les habitudes des gens dans les déplacements quotidiens ne se fait pas toujours facilement. Il suffit de suivre le débat autour du projet pilote sur l’accès du mont Royal pour s’en rendre compte. Or, toutes les idées et expériences concluantes en la matière ailleurs dans le monde sont toujours utiles. En ce sens, l’expérience d’une ville comme Londres, qui n’a pas nécessairement une longue tradition cycliste, tombe à point.» – Jean-François Pronovost, vice-président, développement et affaires publiques, Vélo Québec, qui a invité M. Kenyon dans le cadre du festival Go vélo Mtl.

Les cyclistes respectent-ils le code de la route?
Oui, on s’est rendu compte que quand l’infrastructure est adéquate, les cyclistes agissent de façon adéquate. Ça illustre bien ce proverbe néerlandais qui dit que les villes ont les cyclistes qu’elles méritent! C’est d’ailleurs pour cela qu’on encourage les citoyens à déployer la campagne CyclingWorks dans leur ville. Dublin est la plus récente sur la liste.

Quelle est la recette?
Comme toute bonne recette, il y a des ingrédients locaux. Mais la base commune va comme suit: premièrement, les entreprises doivent soutenir un plan de développement précis. Pas juste soutenir le vélo en général. Deuxièmement, il faut être précis dans la demande. Ce n’est pas une campagne financière, mais une campagne de soutien qui demande aux entreprises de prendre clairement position pour la protection de la marchandise la plus précieuse à circuler sur les routes: leurs employés. Troisièmement, ce sont les patrons qui doivent être interpellés par leurs employés et signer la lettre de soutien. Pas le responsable de l’environnement de l’entreprise. Finalement, les entreprises et organisations ciblées doivent être parmi les plus variées et les plus connues de la ville.

Quelle est votre ville préférée pour circuler à vélo?
Copenhague. Il y a tellement d’enfants, d’aînés et de femmes qui font du vélo là-bas. C’est inspirant. À Londres, les seuls à pouvoir se tailler une place étaient jusqu’à récemment de jeunes hommes en forme et agressifs.

La conférence de Chris Kenyon aura lieu ce jeudi, à 18h, à la Maison du développement durable. L’entrée est gratuite.

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