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Haine en ligne: un organisme montréalais somme Ottawa d’agir

Les agents sociocommunautaires rappellent aux gens de ne jamais communiquer leurs informations personnelles par Internet. Photo: Archives Métro

Un porte-parole de la communauté juive institutionnelle québécoise somme le gouvernement Trudeau de créer une stratégie nationale de lutte contre la haine en ligne, plus d’une semaine après qu’un Montréalais eut tenu des propos jugés violents et haineux à l’égard des Juifs sur les réseaux sociaux.

La demande du Centre consultatif des relations juives et israéliennes-Québec (CIJA) fait suite au cas de Robert Gosselin, accusé à la fin octobre d’avoir tenu des propos incitant à la haine, à la violence et au harcèlement contre la communauté juive sur internet. Son procès, dont la comparution était prévue aujourd’hui devant les tribunaux, sera suivi «de près» par plusieurs membres de l’organisme. Une douzaine d’entre eux étaient même sur place, mardi matin.

Résidant de l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie, Robert Gosselin avait été arrêté par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) après que les autorités eurent reçu plusieurs signalements anonymes à son égard. Il avait été libéré sous caution, promettant de comparaître le 6 novembre. C’est l’Unité des crimes haineux, fondée en 2016 par le SPVM, qui s’était chargée de l’affaire.

«Un bon juif, ça sert de bois de chauffage». «Je vais sûrement en tuer», avait écrit l’accusé, sous un texte du chroniqueur du Journal de Montréal, Mathieu Bock-Côté. Le média de Québecor s’est depuis fait reprocher par plusieurs, dont le CIJA et le blogueur Xavier Camus, d’avoir toléré ces propos en ligne pendant plusieurs heures.

Joint par Métro, l’un des directeurs du centre consultatif, David Ouellette, a souligné que le dossier de Robert Gosselin était signe d’un phénomène bien plus grand, symptomatique d’un fléau devenu bien présent dans notre société. «Comme nous l’avons encore vu à Pittsburgh, la haine des juifs prédispose à la violence, a-t-il expliqué. Et comme à Pittsburgh, nous voyons dans le cas de M. Gosselin le rôle joué par les médias sociaux dans la promotion de la haine et de la violence.»

Le web est devenu l’un des «principaux incubateurs des diverses formes de haine et de la violence idéologique», ajoute-t-il. C’est pourquoi le CIJA plaide et redouble d’efforts, auprès d’Ottawa, pour concrétiser la mise sur pied d’une «stratégie nationale» pour combattre la haine en ligne.

De nouvelles balises
Ladite politique devrait, selon le directeur, établir une définition rigoureuse des discours haineux, «de manière à ne pas brimer la liberté d’expression», tout en développant des outils technologiques pour mieux traquer, signaler et répertorier les propos concernés. Il faut aussi «créer des programmes pédagogiques pour mieux développer l’esprit critique des jeunes, dont on sait qu’ils sont particulièrement ciblés par les fomenteurs de haine en ligne», a envisagé M. Ouellette.

L’organisme a présenté ses idées au gouvernement fédéral lors des récentes consultations nationales du ministre du Patrimoine, Pablo Rodriguez, qui avaient pour but de fonder des nouvelles orientations en matière de lutte contre la haine, en octobre dernier. «Nos recommandations sont à l’étude et nous avons reçu des expressions d’intérêt. Il est toutefois encore très tôt dans le processus et nous aurons d’autres occasions pour aborder la question avec le gouvernement», a expliqué M. Ouellette.

Selon ce dernier, il urge de trouver des solutions pour que les fournisseurs de plateformes numériques appliquent avec «plus de rigueur» leur propres codes de conduite.

«L’antisémitisme n’est pas qu’un ensemble de préjugés négatifs ou discriminatoires à l’endroit des juifs. Il s’agit d’une haine idéologique en vertu de laquelle les antisémites interprètent les événements marquants du passé et du présent comme le produit d’un complot juif.» -David Ouellette, directeur du CIJA

Le coprésident du CIJAQ, Reuben Poupko, abonde dans le même sens et parle même de «violence meurtrière hors ligne» comme une résultante de l’antisémitisme sur la toile. «Bien qu’il n’y ait actuellement aucune augmentation du niveau de menace, par mesure de précaution, le SPVM a augmenté sa présence autour de nos institutions et écoles», s’est-il réjoui dans un communiqué paru lundi en début de journée.

Son organisation affirme travailler «avec diligence» pour s’assurer que la violence antisémite et les préoccupations de la communauté juive «soient transmises de façon appropriée aux autorités compétentes», concernant le dossier de Robert Gosselin en particulier.

Au Québec, le projet de loi 59 de l’ex-ministre Stéphanie Vallée édictant la loi sur la prévention et la lutte contre les discours haineux avait fait beaucoup de bruit en 2015, plusieurs groupes ayant critiqué son atteinte à la liberté d’expression. Il est possible d’être reconnu coupable de propos haineux au Canada ; ceux-ci sont généralement traités au cas par cas devant les tribunaux.

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