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Montréal-Kuujjuaq en ski de fond, à travers un Québec méconnu

Photo: Équipe 80

Cent jours de ski de fond en autonomie quasi complète entre Montréal et Kuujjuaq. C’est l’exploit un peu fou que tenteront bientôt de répéter quatre Québécois. L’aventure de 2000 km n’a été réussie qu’une fois, il y a près de 34 ans. État des lieux en cinq étapes, à moins de trois semaines du départ de l’expédition projet Karibu.

Départ

Les quatre guides en tourisme d’aventure espèrent qu’il y aura de la neige au sol le 27 décembre. Mais ils se doutent que le trajet entre le parc de la Merci, à Montréal, d’où ils partiront, et Saint-Jérôme se fera probablement à pied, skis sur l’épaule. Selon Statistique Canada, les températures sont de 1,5 °C plus élevées qu’il y a 30 ans à Montréal, et il y pleut 10% plus souvent en hiver.

KaribuLes membres du projet Karibu devront garder en tête leur objectif, soit atteindre le Nord et y revivre l’épopée de 1980, «un hommage aux précurseurs qui ont contribué à la démocratisation du plein air, à une époque où le terme avait une connotation péjorative et désignait le simple fait de jouer dehors», clame Jacob Racine, membre de l’équipée de 2013.

«À l’époque, il n’y avait pratiquement pas de grosses expéditions québécoises. Cette année, pendant que Mylène Paquette traversait l’Atlantique à la rame, d’autres Québécois tentaient de traverser la Canada en canoë, le passage du Nord-Ouest en kayak de mer ou l’Afrique du Sud à pied», lance-t-il.

Caribous!

Parmi leurs grands moments, les aventuriers de 1980 mentionnent le passage d’une immense harde de caribous. «De loin, on avait l’impression que la colline bougeait. On les a regardés passer pendant des heures, c’était incroyable», se souvient Claude Duguay. Depuis la quasi-disparition du plus grand troupeau du Québec (celui de la Rivière George, qui est passé de 800 000 à 27 000 têtes en 19 ans), le caribou est en observation.

L’activité humaine (chasse, mines, exploitation forestière) pourrait être en cause, à moins que ce ne soit l’évolution naturelle, faite de hausses et de baisses des populations. Heureusement, le troupeau de la rivière aux Feuilles se porte mieux.

Autochtones!

En 1980, un des explorateurs, Louis Craig, avait failli perdre la vie. Le photographe du groupe s’était éloigné de la trajectoire prévue pour prendre des photos, et la glace avait cédé sous lui. Heureusement, les tiges d’armature de son traîneau avaient empêché le courant de l’entraîner sous la glace, ce qui aurait causé sa perte.

Par la suite, les aventuriers ont écouté avec encore plus d’attention les avertissements des quelques autochtones croisés sur leur chemin. Les membres de l’équipée de 2013 pensent croiser environ sept communautés autochtones, que ce soit dans des réserves ou dans leurs campements hivernaux, d’anciens postes de traite de la baie d’Hudson qui servent aujourd’hui de campements pour la chasse au caribou ou la pêche à l’omble arctique. «Ce sont de vraies mines de renseignements, qui nous permettront de savoir plus précisément la quantité de neige sur notre trajet, l’épaisseur de la glace et les pièges à éviter», indique Jacob Racine.

Matériel
Les aventuriers de 1980 figuraient parmi les premiers à tester le Gore-Tex, une technologie secrète jusqu’alors réservée à l’armée américaine. «Ma conjointe, qui travaillait chez Kanuk, avait mis la main sur un rouleau de Gore-Tex, et on nous avait fabriqué le nécessaire pour supporter tant bien que mal les -45 °C que nous avons connus», raconte André Laperrière, chef de l’expédition. Finis, donc, les sous-vêtements en laine!

Les jeunes de 2013 utiliseront par ailleurs des traîneaux modernes, et non des luges pour enfants! Le GPS remplacera la boussole, tandis que le téléphone satellite, Facebook et Ondago permettront aux membres de l’expédition de rester en contact avec le monde – notamment avec des écoliers dans le cadre de projets de persévérance scolaire. Mais attention à la technologie, préviennent les anciens de 1980. «Quand on répète les mêmes gestes pendant des heures, des jours, des semaines, des mois, c’est important de rentrer dans sa bulle et de ne pas se laisser distraire. Alors ça sera un défi de plus pour eux», prévient Louis Craig.

Enfin, les jeunes de 2013 pourront compter sur leurs cerfs-volants pour accélérer le rythme et atteindre Kujjuuaq en 100 jours au lieu de 130, et ce, même s’ils transporteront des charges d’environ 150 lb chacun, soit 50% de plus qu’en 1980.

Arrivée
Si tout se passe comme prévu, les quatre guides auront traversé trois zones climatiques, sept régions touristiques et quatre des plus grandes étendues d’eau du Québec au terme de leur expédition. Ils ne devront pas prendre trop de retard, car la rivière Caniapiscau en débâcle bloquerait leur accès à Kuujjuaq. Même s’ils ne croiseront pas de coupes à blanc dans le parc du Mont-Tremblant, comme en 1980, peut-être seront-ils témoins de certaines pratiques forestières discutables. «La forêt ne repousse pas aussi vite qu’on le croit. Et la machinerie trop lourde sur un sol trop fragile accélère l’érosion des sols et la destruction des sentiers», note André Laperrière, qui arpente le Québec régulièrement pour ses expéditions.

Le Conseil de l’industrie forestière du Québec affirme au contraire que le couvert forestier est demeuré inchangé depuis la fin des années 1970. «Il ne faut pas prendre les gens pour des valises. Statistiquement, s’il n’y a pas de changement de vocation des terres, une zone forestière, même si elle est coupée à blanc, reste incluse dans le couvert forestier. [C’est pour cela que le couvert forestier est resté inchangé depuis 30 ans]», rétorque Nicolas Mainville, biologiste et directeur de Greenpeace Québec.

Ce qu’il reste à faire…

À moins de trois semaines du départ, voici la liste des choses que les quatre explorateurs doivent encore finaliser.

  • Décider s’il faut apporter ou non un fusil pour la fin du trajet (danger de rencontrer des ours noirs).
  • Diviser et empaqueter la nourriture déshydratée et les rations congelées de la compagnie Terra Ultima.
  • Prévoir la logistique aux quatre points de ravitaillement.
  • Trouver des skieurs sporadiques entre Saint-Jérôme, Piedmont, Val-David et Labelle.
  • Boucler le financement du tournage du documentaire sur l’expédition.

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