Trêve de gentillesse

«As-tu été gentil?» La question. La question que des millions d’enfants vont se faire poser dans les prochaines semaines. S’ensuivra de grands questionnements existentiels, des débats moraux personnels : «Manger mon dernier raisin sec au lieu de le donner à mon ami à l’heure de la collation, c’était pas gentil, ou juste… mes raisins? Oui, j’ai arraché le camion des mains de David, mais il me l’avait pris pendant que je tassais les livres de sur le tapis ville. Faque ça s’annule, non?»

Stress, culpabilité, retour sur son année au complet dans sa p’tite tête, ce sera un moment bien plate pour beaucoup trop de personnes. J’écris «personnes» parce qu’«enfants», ça a un p’tit quelque chose de pas important, de temporaire. Donc, des millions de personnes vont se demander si elles ont été assez gentilles pour mériter les cadeaux d’un gros monsieur qui habite au Pôle Nord. Outre le côté magique, la stimulation de l’imaginaire, les légos et les beaux souvenirs, ça donne quoi? L’apprentissage de l’importance d’être gentil? Ark!

C’est pas une chronique d’un vieux aigri de Noël. Je ne suis pas Monsieur Scrooge. C’est correct, les fantômes, vous pouvez me sacrer la paix le soir de Noël. C’est juste un p’tit deux minutes de questionnement. Un p’tit : «On regarde-tu ça ensemble voir?»

Tant qu’à inclure l’endoctrinement dans un rituel festif, on pourrait-tu faire mieux qu’être gentil? Le père Noel vit dans un endroit aride et froid, où il fait nuit six mois par année. Il fabrique des cadeaux pour des milliards d’enfants à l’année longue. Je ne pense pas qu’être gentil soit la qualité la plus recherchée dans le village. «Courageux» et «persévérant» sont sûrement plus les bienvenus. Ce sont des valeurs qui ont plus de…valeur.

«As-tu été courageux cette année?» Ça se dit bien, il me semble. Une question qui pousse les enfants, les personnes, à se dépasser, à affronter leurs peurs, à sauter du tremplin, à dormir la lumière fermée. «As-tu été persévérant?» Une valeur qui motive l’enfant, la personne, à finir ses cours de natation, à finir son dessin, à patiner sans tenir une chaise.

Les personnes qui semblent le mieux réussir leur vie ont le courage et la persévérance bien ancrés en elles. On veut des adultes gentils, ou accomplis? Dans le monde où on vit, avec toute la corruption et les mensonges qui règnent dans les plus hautes sphères, on veut des citoyens gentils? On reviendra au gentil quand on sera dans un monde de guimauve et d’arcs-en-ciel. Mais pour tout de suite, si on insistait sur le courage et la persévérance?

«Ouin, mais là, c’est important, la gentillesse! Tu veux plein de gens courageux et persévérants qui n’ont pas de cœur, de gentillesse, de politesse?» À moins qu’on élève nos enfants deux semaines par année, pendant Noël, c’est le genre de valeurs qui vont de soi à l’année longue. Je nous fais confiance.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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