Dormir debout

8 h 26, ligne bleue, direction Snowdon. Ce matin-là est embourbé dans toute la neige tombée ces derniers jours. Les passagers du métro, eux aussi, sont alourdis par l’artillerie que commande l’hiver. Grosses bottes, foulards emmêlés, mitaines dépareillées et manteaux dézippés qui bâillent, car il fait soudainement vraiment très chaud. Certains usagers révisent des partitions ou sont plongés dans des notes de cours.

Je suis debout. Non loin de moi, un homme dans la vingtaine. Son capuchon lui encercle la tête et son lourd sac à dos le tire vers l’arrière. Sa jeune barbe est hirsute et son nez, percé. Il est agrippé à un poteau. La voiture est remplie d’étudiants qui, probablement comme lui, vont descendre en cascades dociles aux stations Édouard-Montpetit et Université-de-Montréal.

Il essaie de garder les yeux ouverts. Cet exercice lui semble aussi difficile que s’il devait retenir son souffle longtemps sous l’eau. Il a sûrement étudié toute la nuit pour remettre un travail de session. Ou peut-être a-t-il enfin découvert les Sopranos et regardé trois saisons en rafale. Peu importe la source, il manque cruellement de sommeil. Il lutte encore un peu. Sa tête, comme celle d’un marteau qui n’a pas de clou à cogner, tombe dans le vide, il capitule. L’éveil est vaincu. Il a l’air d’un opossum accroché à une branche verticale. Même s’il n’a pas la tête en bas, il est à l’envers du monde.

Arrive Édouard-Montpetit. Les portes s’ouvrent. Une horde d’étudiants descend en silence, contournant le jeune homme endormi. Idem à la station qui suit. Le métro reprend doucement son élan, comme une berceuse. Je ne saurai jamais si le jeune homme a manqué son arrêt. Je n’ai pas osé le réveiller. Il dormait si bien, debout.

Mon
Métro

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