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Kerry, l’«apartheid» et Israël

Photo: Ian Walton/Getty

John Kerry fait désormais partie du grand club des mal cités. Le secrétaire d’État américain a-t-il oui ou non employé le mot «apartheid» au sujet d’Israël? Oui, mais…

Les médias ont – comme toujours! – fait une erreur d’interprétation. Le chef de la diplomatie de Barack Obama a pourtant bien dit le vendredi 25 avril, au cours d’une réunion à huis clos, que l’État hébreu risque de se transformer un jour en «État d’apartheid» sans un accord de paix avec les Palestiniens.

Les explications alambiquées de Kerry n’ont certainement pas convaincu les Israéliens et surtout pas le ministre de la Défense, Moshé Ya’alon, qui en janvier fustigeait déjà son plan de paix par cette boutade: «La seule chose susceptible de nous sauver est que John Kerry remporte le prix Nobel de la paix et nous laisse tranquilles.»

Pour les Palestiniens, cela va de soi: Israël est déjà un «État d’apartheid», et l’engagement jeudi dernier du premier ministre Benyamin Netanyahou à faire adopter une loi à valeur constitutionnelle affirmant le caractère juif de son pays en est une preuve vivante.

Attention cependant aux raccourcis sémantiques. Le système ségrégationniste en vigueur en Afrique du Sud de 1948 à 1994 ne permettait pas notamment à la majorité noire de voter, contrairement aux Arabes israéliens qui ont leurs propres députés à la Knesset (Parlement).

Oui, diront-ils, mais dans tous les autres domaines, la loi et la politique les discriminent, eux qui forment 20% de la population israélienne.

Et que dire du «mur de séparation raciale» (terme utilisé par l’Autorité palestinienne) séparant les Palestiniens de Cisjordanie des 350 000 colons juifs? Raisons de sécurité, répondront sans hésiter les Israéliens. Rien à voir avec le système juridique de ségrégation.

Sans surprise, la référence sud-africaine de John Kerry a soulevé une vague de critiques en Israël comme ce fut le cas en 2007 lors de la parution du livre de l’ex-président Jimmy Carter (1977-1981), Palestine: la paix, pas l’apartheid.

De toute évidence, l’analogie avec le mot afrikaans est considérée comme une insulte en Israël, d’autant que l’apartheid était un crime contre l’humanité. Si le terme est inapproprié, il a quand même déjà été utilisé par les anciens premiers ministres israéliens Ehoud Barak et Ehoud Olmert dans leurs appels à la signature d’un accord de paix.

Kerry aurait-il dû parler de «colonialisme» au lieu d’«apartheid»? Peu importe le vocabulaire, Israël se livrera toujours à une bataille des mots. Il n’y a pas de colonies en territoires occupés, mais des «implantations» en «territoires disputés». La guerre des mots tue tout dialogue dans un conflit qui n’en finit pas de s’éterniser.

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