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La face cachée des terrains synthétiques

Photo: Chantal Lévesque

Depuis 2008, le nombre de terrains synthétiques dans les parcs et les écoles a augmenté d’environ 40% à Montréal. Pour le meilleur, selon certains. Pour le pire, selon d’autres. État des lieux.

Encore de la collusion?
Les villes et les écoles du Québec paient leurs terrains synthétiques 40% trop cher. C’est ce que clamait en 2010 Luc Rochon, un entrepreneur du domaine qui avait dénoncé à l’émission Enquête les appels d’offres dirigés et la collusion, qui nuisaient selon lui à la libre concurrence.

Le reportage mettait notamment en relief des spécifications techniques trop élevés qui évinçaient plusieurs compétiteurs au profit d’une petite clique d’entreprises. «Des cégeps et des villes auront payé leur turf plus cher que les Giants de New York», déclarait M. Rochon. Le président de GTR déplorait notamment l’exigence du respect des normes FIFA 2 stars pour des terrains municipaux ou scolaires qui n’accueilleront jamais de compétition internationale.

Qu’en est-il aujourd’hui? «Avant le reportage, le Cégep de Valleyfield avait payé 800 000$ rien que pour le gazon synthétique. Après le reportage, La Pocatière a payé le sien 325 000$ auprès du même fournisseur. Aujourd’hui ça tourne autour de 400-450 000$, donc ça va mieux. On est aussi arrivé à obtenir 30% du marché; il n’y qu’à Mont­réal où c’est difficile», lance à Métro Luc Rochon, qui n’a obtenu qu’un seul contrat public à Montréal en six ans (grâce à un partenariat) et à été jugé non conforme dans plusieurs projets, dont, au parc La Fontaine et au Complexe environnemental Saint-Michel.

SI GTR n’a pas remporté de contrat, c’est qu’il n’a pas obtenu les meilleurs pointages, a déposé des offres incomplètes ou a soumis des résultats d’essais non conformes aux spécifications requises, répond la Ville. «Le processus est transparent, convenu à l’avance et, surtout, permet à tous les fabricants et fournisseurs de déposer une soumission avec leurs produits respectifs. L’évaluation est objective et aucun nom de produit ne figure dans les documents d’appel d’offres», écrit François Goneau, un des porte-parole de la Ville de Montréal.

La Ville indique compter sur des comités techniques internes pour évaluer les soumissions. Le fournisseur gagnant est choisi selon les caractéristiques techniques basées sur des tests en laboratoire, mais aussi en fonction du prix, de critères environnementaux et de l’expérience du fournisseur.

«On offre le tapis le plus vendu au monde. On équipe les plus belles équipes de soccer et de football [dont le DC United et Eskimos d’Edmonton]. Et pourtant, on n’arrive pas à percer à Montréal à cause des tests coûteux qu’ils rajoutent à chaque fois et pour lesquels nous manquons de temps», déplore M. Rochon.

Îlots de chaleur
Ce revêtement pourrait entraîner des hausses de température de l’ordre de 10 °C par rapport à du gazon naturel. «La transpiration des végétaux a un effet rafraîchissant, alors que le plastique des terrains synthétiques dégage beaucoup de chaleur, au même titre que l’asphalte», note Emmanuel Rondia, du Conseil régional de l’environnement de Montréal.

À Montréal, dans les 18 derniers mois, 5 parcs auront abandonné une partie de leur gazon au profit du synthétique alors que la ville est engagée dans la lutte contre les îlots de chaleur. «Ça peut laisser penser aux citoyens qu’ils pourraient faire de même pour leur pelouse, ce qui serait dommageable pour l’environnement. D’ailleurs, plusieurs municipalités québécoises interdisent à leurs concitoyens de faire cela», ajoute M. Rondia.

Interrogée sur cette contradiction, la Ville avait rétorqué que les terrains en gazon synthétique couvrent une petite superficie en comparaison des rues, des stationnements ou des toits asphaltés. Elle ajoute en outre que la plantation d’arbres autour des terrains permet d’atténuer le phénomène.

Par le passé, les autorités municipales invoquaient aussi le fait que les nouvelles générations de terrains synthétiques contribuent beaucoup moins aux îlots de chaleur.

Nous avons fait le test au parc La Fontaine. Sur le terrain de soccer synthétique, le thermomètre affichait 38°C, alors que sur le gazon naturel situé le long du terrain de baseball tout près, le mercure était de 32°C.

Risque pour la santé?
Depuis plusieurs années, la Direction de santé publique analyse les études publiées dans le monde sur le sujet. Les substances chimiques et les substrats à base de pneu ne seraient pas nocifs pour la santé, compte tenu des concentrations. Seuls les produits de première génération en nylon avaient notamment des concentrations élevées de plomb, note la DSP.

La Santé publique a aussi analysé un reportage récent de la chaîne NBC donnant la parole à une entraîneuse de soccer. Cette dernière clamait que les gardiens de but, qui plongent régulièrement, sont plus susceptibles d’être touchés par le cancer s’ils ont joué sur des terrains synthétiques. Cette affirmation n’était appuyée par aucune preuve scientifique, note la DSP, qui rappelle que ce type de terrain permet de prolonger les heures d’utilisation et favorise donc l’exercice et la lutte contre l’obésité.

En outre, les études concernant les risques plus élevés de blessures sont souvent basées sur l’impression des joueurs ainsi que sur des échantillons insuffisants, peut-on lire dans une publication de l’Institut national de santé publique du Québec.

Ça n’a pas empêché toutefois, l’automne dernier, un regroupement de joueuses internationales de poursuivre la FIFA, qui avait autorisé la tenue de la Coupe du monde au Canada sur des terrains synthétiques, alors que leurs homologues masculins jouent exclusivement sur du gazon naturel. Les joueuses, qui disaient notamment craindre les blessures, ont évoqué une forme de discrimination.

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