Soutenez

10 ans de Dawson: l'arme du tueur toujours légale

Stéphanie Marin, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Le 13 septembre 2016 marque le 10e anniversaire de la fusillade tragique au Collège Dawson, à Montréal.

Le fusil semi-automatique d’aspect militaire dont s’est servi Kimveer Gill ce jour-là était tout à fait légal. Il l’est toujours malgré les efforts de victimes de tueries, parmi d’autres opposants. Et depuis, une version légèrement modifiée de ce fusil a été mise en vente au Canada, ce qui le rend encore plus accessible.

L’arme principale de Kimveer Gill, le Beretta CX4 Storm — qui lui a servi à tirer 72 balles au Collège Dawson —, était classée dans la catégorie «restreinte» à ce moment, ce qui nécessitait un permis spécial de possession, un permis de transport d’arme et qui obligeait son détenteur à être membre d’un club de tir, le seul endroit où il pouvait se servir de ce fusil.

Le modèle CX4 Storm est maintenant disponible en version «non restreinte». Seul un permis régulier est requis pour se le procurer.

Le distributeur canadien de l’arme, Stoeger Canada, la décrit comme «une arme de poing de combat» et se targue que le modèle a été adopté par plusieurs forces policières aux États-Unis.

Pour que le fusil puisse entrer dans la catégorie «non restreinte», le manufacturier a augmenté légèrement la longueur du canon (de 16 pouces à 19 pouces — ou de 40 cm à 48 cm).

En deçà de 18,5 pouces (47 cm), ce type de fusil est classé dans la catégorie «restreinte». Le législateur avait voulu interdire les armes d’allure militaire avec un canon court dont le transport et le maniement sont plus faciles.

Pourtant, cette différence de trois pouces ne changerait absolument rien quant à la puissance de l’arme ou de sa précision, selon Tony Bernardo, directeur exécutif de l’Association des sports de tir au Canada, contacté au sujet du modèle CX4 Storm de Beretta. D’après cet expert des armes à feu, le modèle non restreint est vendu depuis quatre ou cinq ans.

Une version adaptée à chaque marché

L’expert en armes à feu et en balistique Alan Voth explique que les fabricants d’armes étudient les lois de chaque pays et créent une version adaptée à la législation de chacun des marchés, ce qui leur donne plus d’occasions de vente.

Car une arme non restreinte se vend plus facilement.

Sur le site GTAGunSafety.com, une entreprise de l’Ontario qui offre des cours de sécurité pour manier les armes à feu, le modèle CX4 Storm non restreint est d’ailleurs appelé avec enthousiasme «la magique Beretta canadienne».

Kimveer Gill a abattu une jeune femme de 18 ans, Anastasia De Sousa, et blessé 16 personnes au Collège Dawson le 13 septembre 2006. Il s’est donné la mort sur place, avec son pistolet Glock.

Ces décès ont mené à deux rapports du coroner en 2008, qui s’est penché sur diverses pistes pour éviter qu’une tragédie pareille ne se reproduise.

Il recommandait notamment de prohiber les armes semi-automatiques et aussi toutes celles dont le chargeur se trouve derrière la détente. Celle que Kimveer Gill avait ce jour-là possédait ces deux caractéristiques.

Le modèle non restreint mis en marché depuis aussi.

«C’est un fusil plus léger, plus facile à manœuvrer, mais qui est quand même très précis, et qui ne devrait pas être accessible aux civils», avait précisé en point de presse le coroner Jacques Ramsay au moment du dévoilement de son rapport en 2008.

Plus encore, il recommandait une intervention pour empêcher les fabricants d’armes de contourner les lois sur la possession d’armes prohibées en modifiant leurs armes pour les rendre légales et par conséquent accessibles au public.

Selon Heidi Rathjen, une survivante de la tuerie de Polytechnique en 1989 et porte-parole du groupe Poly se souvient, qui milite pour le contrôle des armes, ce type de fusil, comme le CX4 Storm de Kimveer Gill, ne devrait tout simplement pas être vendu.

«Ce sont des armes à feu conçues pour tuer des êtres humains rapidement et efficacement. C’est conçu pour des contextes militaires», a-t-elle déclaré en entrevue.

«Il n’y a aucune justification de permettre ces armes-là dans les mains de citoyens et quand ça tombe dans les mains de gens mal intentionnés, c’est là qu’il y a des tragédies.»

Les armes d’assaut peuvent accepter des chargeurs à grande capacité, des silencieux et d’autres accessoires militaires. Les chargeurs à grande capacité sont illégaux, mais il est possible de modifier certains qui sont vendus au Canada afin qu’ils prennent plus que 5 ou 10 cartouches.

Des armes «démonisées»

La loi prévoit qu’un chargeur peut contenir un maximum de cinq ou dix balles selon le type de fusil, dit Guy Morin, vice-président du collectif Tous contre un registre québécois des armes à feu. Certains fusils peuvent recevoir un chargeur avec une plus grande capacité, mais ceux qui le font commettent une infraction criminelle, a-t-il martelé en entrevue.

M. Morin croit qu’il n’y a pas de problème avec les armes semi-automatiques au Canada: les fusillades sont rares, dit-il, et les meurtres sont le fait de criminels qui acquièrent des armes illégales. Ou encore de gens atteints de troubles mentaux.

Selon M. Bernardo, de l’Association des sports de tir au Canada, les armes semi-automatiques sont démonisées sans raison: elles ne sont pas plus rapides et ne contiennent pas plus de munitions, soutient-il. Elles ne devraient pas être prohibées, selon lui.

Elles ont mauvaise réputation en raison de leur apparence, croit-il: le CX4 Storm est un fusil noir, avec un design qu’il qualifie d’«osé». Même son de cloche du côté de M. Morin, qui souligne que l’arme «a l’air méchante», sans être différente des autres types de fusils dans sa catégorie.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.