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Ils donnent le sourire aux enfants handicapés

Photo: Roxane Léouson/Métro

Divertir les enfants de 7h à 21h, changer leurs culottes d’incontinence, les maîtriser lorsqu’ils font des crises, les veiller la nuit, leur donner des bains : voilà le travail des moniteurs de camps de vacances pour jeunes handicapés. Un travail qu’ils font pour moins que le salaire minimum.

Au camp Papillon, un des plus grands camps pour handicapés en Amérique du Nord, Pousse-Mine s’occupe toute la journée d’accompagner Colin. Ce dernier entre dans la catégorie des «multi plus», ce qui veut dire qu’il représente un danger pour sa propre sécurité ou celle des autres. Autiste sévère de 22 ans, Colin tente à longueur de journée de manger des roches, des plantes et d’autres objets qu’il ramasse par terre. Pousse-Mine doit donc l’en empêcher, et comme son protégé communique très peu, il doit l’occuper en tentant d’entrer dans son univers.

«Aujourd’hui, je fais une journée thématique sur l’espionnage, explique Pousse-Mine, qui utilise le tic de Colin pour le stimuler. Avec son faux ongle gadget, Colin analyse les roches pour trouver un produit chimique illégal utilisé par la direction du camp.»

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Même si le travail est difficile, et le salaire, petit, Pousse-Mine sent qu’il doit être là. «Si je lâchais, le camp manquerait encore plus de personnel», estime le dévoué moniteur, ajoutant qu’il préfère tout de même son milieu de travail à un Walmart.

De fait, le camp a des besoins énormes. Accueillant jusqu’à 130 campeurs de 2 à 25 ans, il doit employer au moins autant d’animateurs pour maintenir un ratio acceptable. «Les jeunes doivent être conscients du fait que travailler ici ne leur suffira pas pour payer leurs frais de scolarité universitaire», souligne Sylvianne Renaud, la directrice du camp, reconnaissant qu’il y a fort à faire pour attirer les candidats. En tant qu’organisme sans but lucratif, le camp Papillon est autorisé à payer des étudiants l’équivalent de 50$ pour des journées de près de 12 heures de travail, tout en fournissant le logement, la nourriture et le transport. C’est un salaire normal pour les camps de ce type, qui paient de 250$ à 500$ par semaine, selon l’Association des camps du Québec. «Nos moniteurs sont formidables, et on aimerait pouvoir les rémunérer davantage, mais on a déjà de la difficulté à arriver financièrement avec le peu de subventions qu’on reçoit», se désole Mme Renaud.

Beaucoup de moniteurs reviennent pourtant année après année, attachés à la clientèle. Boumbo et Réglisse, qui étudient en adaptation scolaire, affirment avoir deux emplois le reste de l’année pour pouvoir se permettre de revenir durant l’été.

Bourgeon, elle, œuvre au camp depuis quatre ans. Étudiante en médecine, elle souhaite travailler plus tard avec des patients handicapés. «On tombe en amour avec nos campeurs, affirme la jeune femme. Il se crée des liens de confiance uniques qui font qu’on ne veut plus travailler avec des enfants normaux.»

Bourgeon s’occupe princi­palement de groupes de «multis», des jeunes qui ont des déficiences graves à la fois intellectuelles et physiques. La majorité d’entre eux sont en fauteuil roulant et ne communiquent pas par la parole. La monitrice décrit son travail comme un mélange d’anima­tion et de soins. «Il faut stimu­ler leurs sens en les chatouillant, par exemple, ou en intégrant des odeurs, des textures et des sons à des histoires qu’on leur raconte», explique-t-elle. Elle doit aussi changer leurs culottes d’incontinence et leur donner des bains, mais ça ne la dérange pas.

«Ce n’est rien par rapport à ce que vivent les parents, qui sont avec leurs enfants tous les jours», fait remarquer Sunshine, qui a elle-même une sœur handicapée. Le travail de ces moniteurs permet aux parents de souffler, d’avoir un petit répit une fois dans l’année.

Coup d’œil sur les camps pour handicapés au Québec
Environ 18 000 enfants québécois vivent avec un handicap qui les rend inhabiles à manger et à se vêtir seuls, d’après la Société pour les enfants handicapés du Québec (SEHQ). Toujours selon la SEHQ, ce nombre grimpe à 75 000 si on ajoute ceux qui ont des déficits handicapants comme des troubles de développement et de comportement.

Une vingtaine de camps de vacances certifiés reçoivent ces jeunes, dans diverses régions du Québec. Certains de ces camps se spécialisent dans un type de handicap en particulier, comme une déficience intellectuelle, un trouble envahissant du développement, un trouble dans le spectre de l’autisme, une déficience physique ou une maladie. Le camp Papillon, fondé en 1930 par la mère d’un enfant malade, les accepte tous. Chaque été, on dénombre en moyenne 70 handicaps différents parmi la clientèle du camp.

Des subventions du ministère de l’Éducation sont accessibles aux enfants présentant des déficiences intellectuelles plus légères afin qu’ils soient intégrés dans des camps réguliers avec l’aide d’un accompagnateur.

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