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Natasha Ivisic: elle portait le voile

Photo: Marie-Ève Shaffer/Métro

Catholique à l’origine, Natasha Ivisic s’est convertie à l’islam après avoir rencontré son futur mari. Comme plusieurs musulmanes, elle a porté le voile. Par choix. Aujourd’hui, ses cheveux sont découverts, et elle ne croit plus en aucun dogme religieux.

Ça ne l’empêche pas de rager lorsqu’elle entend parler de la charte des valeurs québécoises.

Natasha Ivisic a enlevé son voile en plein tournage du documentaire Je porte le voile, qu’elle a coréalisé en 2009 avec le cinéaste Yanick Létourneau. Le but du film était d’aider sa fille Amina à décider si elle se couvrirait les cheveux au nom de sa religion, sauf que cette quête d’information a remis en question son propre choix de porter le voile.

«J’ai découvert des femmes qui avaient une autre vision et j’en ai conclu que l’islam est une religion d’interprétation», explique Mme Ivisic. Désapprouvant certaines règles de l’islam et malheureuse dans un mariage qui battait de l’aile, elle a décidé de tout laisser tomber. Le mari et le voile. Cinq ans plus tard, elle découvre la vie sans la rigidité de la religion.

En vertu de la charte des valeurs québécoises, les femmes musulmanes qui travaillent pour l’État et qui portent le voile devront se découvrir la tête. Qu’en pensez-vous?
Enlever son voile, c’est n’est pas facile. On ne peut pas enlever le foulard huit heures par jour et le remettre à la maison. Le voile est un symbole lourd. Il est porteur de beaucoup de responsabilités et de valeurs pour la femme musulmane. Ce n’est pas un simple morceau de tissu. C’est pour cela que les femmes sont prêtes à renoncer au travail. Elles sont prêtes à sacrifier beaucoup pour continuer à porter le voile, qui fait partie de l’histoire de l’islam. Les musulmans ne peuvent nier leurs racines. C’est leur identité.

La première ministre, Pauline Marois, a indiqué que la société québécoise «peut sûrement aider [les femmes musulmanes] à cheminer» pour qu’elles enlèvent leur voile. Qu’en pensez-vous?
Elle se dit à la défense des femmes musulmanes pour quelque chose qu’elle ne comprend pas. Elle ne comprend pas ce qu’est l’islam, la signification du voile et tout le bagage culturel de ces femmes. Elle ne sait pas de quoi elle parle.

Dans les publicités sur la charte, on indiquait que l’égalité homme-femme, c’est sacré. Une femme musulmane qui porte le voile et qui se sent bien dans sa peau dira qu’elle est l’égale de son mari. Il y a beaucoup de femmes musulmanes qui ne comprennent pas pourquoi l’État veut les libérer d’un soi-disant symbole de soumission. La femme qui est véritablement soumise à un homme ne travaille pas. Elle reste à la maison et elle ne se mêle pas aux «infidèles».

Connaissez-vous des femmes musulmanes qui sont obligées de porter le voile à cause de leur mari?
Dans la communauté musulmane très pratiquante où j’étais, rares étaient celles qui se sentaient forcées de porter le voile. Ce n’était pas une obligation. Reste qu’il y a une influence. Si tu ne le portes pas, on va t’en parler, on va essayer de te convaincre.

Dans l’islam, il y a plusieurs écoles de pensée qui disent que le voile est une obligation dictée dans le coran. Mais il y a des rebelles qui remettent en question le port du voile parce que, dans le coran, on indique qu’il faut «rabattre votre voile sur votre poitrine». Il n’y a aucune référence aux cheveux. Couvrir ses cheveux, c’est venu après le prophète Mahomet.

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Qu’en est-t-il de la réaction de la communauté musulmane?
Les musulmans se disent victimes. Ils se sentent encore une fois attaqués. Ils trouvent injuste que la charte vise le voile. Ils sont écœurés. Ils ne collaborent pas. Au lieu d’entamer un dialogue avec le gouvernement, ils se mettent en mode de défense. Avec le 11 septembre 2001, avec la commission Bouchard-Taylor, la communauté musulmane est tellement en mode de défense qu’un simple petit changement ne sera pas accepté.

Y a-t-il un fossé générationnel entre les jeunes femmes et les femmes plus âgées qui portent le voile?
On ne peut pas mettre toutes les femmes dans le même panier. Je connais des femmes plus âgées qui disent que, dans leur pays d’origine, c’était une obligation de porter le voile. Elles n’aiment pas les jeunes filles voilées qui portent des vêtements ajustés et qui se maquillent. Ces jeunes filles veulent seulement s’identifier à l’islam et être de bonnes musulmanes en portant le voile, mais en même temps, elles adorent la société dans laquelle elles vivent. Elles s’intègrent sans perdre tous leurs repères.

L’espoir est donc dans les jeunes générations…
Bien sûr. Les jeunes ont vécu toute leur vie dans la globalisation, tant les femmes musulmanes que les femmes québécoises. Ils sont ouverts au monde. On n’a pas besoin de charte des valeurs québécoises. On ne peut plus être enfermé dans nos valeurs francophones et catholiques. La société n’est plus homogène. Il faut regarder en avant.
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