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Ghomeshi: des experts se penchent sur le verdict

Michelle McQuigge et Paola Loriggio - La Presse Canadienne

TORONTO – Des experts juridiques et des groupes de défense des droits des femmes affirment que le verdict rendu jeudi dans le procès de Jian Ghomeshi pour agressions sexuelles met en lumière tout ce qui ne fonctionne pas avec le système destiné à rendre justice dans de pareilles causes.

Ils affirment que le juge William Horkins n’avait pas vraiment d’autre choix que d’acquitter l’ancien animateur vedette de CBC sur tous les chefs d’accusation, puisque les témoignages des trois victimes alléguées ont été à toutes fins pratiques détruits en cour.

Le juge Horkins a déclaré que les souvenirs mouvants des plaignantes avaient fait germer en lui un doute raisonnable. Il a cité les contre-interrogatoires dévastateurs des trois femmes, qui avaient révélé de nombreuses incohérences et contradictions dans leur témoignage.

La professeure de droit Brenda Cossman, de l’Université de Toronto, a convenu que les témoignages de présumées victimes ont été très dommageables. L’avocate de M. Ghomeshi, Marie Henein, a tout simplement décimé les récits de chacune des femmes, a-t-elle déclaré.

Ce procès a toutefois mis en lumière l’énorme pression qui repose sur les épaules des victimes dans des affaires d’agression sexuelle. Elles doivent, selon Mme Cossman, atteindre des standards irréalistes lorsqu’il est question de faire la preuve de ce qu’elles avancent dans le système judiciaire actuel.

«Le dénouement n’est pas surprenant, mais je crois que le message qui est envoyé à toutes les femmes qui voudront porter plainte pour agression sexuelle est assez clair, a-t-elle tonné. S’il y a quoi que ce soit qui n’est pas parfait avec ton comportement avant, pendant ou après l’agression, ne prends même pas la peine de dénoncer ce qui t’es arrivé parce que ta crédibilité va être attaquée.»

L’ancien animateur de radio avait plaidé non coupable à quatre chefs d’agression sexuelle et à un chef d’étouffement afin de vaincre la résistance d’une personne dans ce procès qui impliquait trois femmes.

En contre-interrogatoire, Mme Henein avait dévoilé des courriels, photos et lettres manuscrites qui suggéraient que les plaignantes souhaitaient revoir M. Ghomeshi, et ce après les actes qu’elles lui reprochaient.

Bien que les déclarations erronées des plaignantes soient préoccupantes, la codirectrice du Centre for Feminist Legal Studies de Vancouver, Janine Benedet, se demande si une honnêteté complète aurait véritablement fait une différence.

«Il y a deux choses ici. Il y a l’information qui a été retenue ou qui a été livrée de manière mensongère et il y a la question de savoir si cette information était vraiment pertinente afin de déterminer si elles ont subi une agression sexuelle ou non.»

Tamar Witelson, de l’organisme Metrac qui lutte contre la violence faite aux femmes, soutient que le procès Ghomeshi a démontré de manière préoccupante le traitement qui est réservé aux femmes, en cour, lorsqu’elles disent avoir été victimes de violence sexuelle.

«Les plaignantes ont dû vivre une expérience qui a semblé être très difficile, a-t-elle souligné. Est-ce le prix à payer pour tenter d’obtenir justice? Est-ce que ça en vaut la peine?», s’est-elle interrogé.

Amanda Dale, de la Clinique commémorative Barbara Schlifer, croit que les défenseurs des droits verront le verdict comme une raison supplémentaire de se battre pour que des changements soient apportés au système judiciaire.

Malgré le déception suscitée par le verdict rendu jeudi, «il y a une impulsion qui s’est bâtie et qui ne va pas disparaître. Et je crois en fait que la colère et l’indignation vont pouvoir mener à des réformes».

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