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Vers une «ambassade» autochtone au coeur de Montréal

Photo: Josie Desmarais/Métro

Un lieu culturel et touristique autochtone de 6 000 m2 – l’équivalent en superficie de la place des Festivals – devrait être aménagé au cœur de la ville en 2018.

«On parle d’une ambassade culturelle qui est là non seulement pour représenter [les peuples autochtones] mais aussi pour accueillir. C’est avant tout un espace où on se rencontre», a décrit avec enthousiasme Marie-Josée Parent, directrice de DestiNATIONS, Carrefour international des arts et cultures des peuples autochtones, lors d’une entrevue avec Métro. Cette organisation sans but lucratif mène le dossier conjointement avec Tourisme Autochtone Québec (TAQ).

Le financement de 30 M$ nécessaire pour la construction et la livraison «clés en main» du bâtiment n’est pas encore confirmé, bien que des discussions soient entamées. Il s’inscrit dans les projets de legs du 375e anniversaire de Montréal et du 150e anniversaire du Canada. 40 % de ce budget devrait provenir du provincial, 40 % du fédéral, 10 % du municipal et 10 % de fonds privés. «Même si on demande l’aide des gouvernements, on souhaite qu’il soit autosuffisant», a précisé Dave Laveau, directeur général de TAQ.

Le lieu devrait voir le jour au centre-ville ou dans le Vieux-Montréal. Sa construction devrait débuter en 2017 pour une ouverture prévue en 2018.

«Ça fait partie de la demande de la clientèle d’avoir cette fenêtre sur la vie autochtone, à la fois sur les autochtones urbains et sur ce qui se passe en région.» -Pierre Bellerose, vice-président de Tourisme Montréal

Selon Yves Sioui Durand, codirecteur artistique et fondateur de la compagnie de théâtre autochtone Ondinnok, un endroit de ce type est «une nécessité absolue pour l’avancée des arts vivants autochtones contemporains et pour enraciner ce dialogue dans la ville de Montréal. C’est un anachronisme qu’il n’y ait pas cette présence concrétisée au centre de la métropole du Québec».

Le projet a reçu l’appui de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador – son président, Ghislain Picard, est président du conseil de DestiNATIONS – et de Tourisme Montréal. Le maire Denis Coderre aurait lui aussi accordé son soutien, mais les demandes de précisions de Métro sont restées sans réponse. Le dépôt final du plan d’affaires, qui confirmera ces appuis, est prévu pour la fin de mai.

Un souffle aux cultures autochtones

Le projet d’ambassade autochtone montréalaise DestiNATIONS alliera culture et tourisme tout en se tenant loin des clichés.

«À aucun moment on n’entrera dans du Walt Disney», explique Marie-Josée Parent, directrice de DestiNATIONS, dont le projet d’ambassade autochtone, mené conjointement avec Tourisme Autochtone Québec (TAQ), devrait voir le jour en 2018.

«Il y a vraiment un désir de représenter adéquatement et de façon respectueuse les producteurs culturels, les cul­tures, les différentes nations et les entreprises touristiques autochtones, de même qu’une réalité contemporaine», poursuit Mme Parent.

Tel qu’elle le décrit, DestiNATIONS sera constitué, entre autres, d’un jardin de plantes médicinales et d’un lieu gastronomique où seront mises en valeur et réactualisées les traditions culinaires autochtones, notamment les brochettes marinées, les barbecues, les viandes fumées et les infusions. De l’espace sera consacré à la diffusion et à la production artistique (théâtre, cinéma, musique, etc.) ainsi qu’à des cours (apprentissage de langues, cours de cuisine, ateliers de perlage, par exemple), des bureaux et du coworking. «Quand on parle d’un symbole de la réconciliation, c’est qu’on veut que toutes les nations soient invitées non seulement à venir découvrir mais à participer aussi», croit Mme Parent.

Un volet recherche fait aussi partie du projet pour accroître les connaissances à propos du développement culturel autochtone au Québec. «On essaie de comprendre ce qui est produit, comment, par qui, dans quel contexte et dans quel genre de conditions», relate la directrice de DestiNATIONS. «Ce qui est vraiment important pour les communautés autochtones, c’est qu’on est passés par un génocide culturel. Il y a tout un travail de reconstruction [à faire]. [Il faut se poser la question :] qu’est-ce qu’on a perdu? Comment ç’a été perdu? Qu’est-ce qu’on peut garder, qu’est-ce qu’on veut garder? Comment on le réactualise?»

«On pense que notre communauté a besoin d’un lieu pour s’affirmer comme peuple, pour exister à Montréal, en sachant que c’est une ville où il y a 40 000 autochtones et où il n’y a aucune trace dans la trame urbaine de cette identité-là, ou alors très peu.» -Marie-Josée Parent, directrice de DestiNATIONS

Du côté touristique
Pour le directeur général de TAQ, Dave Laveau, le tourisme autochtone est peu présent à Montréal, même si la ville est la porte d’entrée du tourisme au Québec. Bien qu’il existe quelques expériences de «très haut niveau, [comme] le festival Présence autochtone et l’espace Ashukan», la métropole ne participe pas au boom que connaît le tourisme autochtone québécois depuis 15 ans. D’où l’idée d’offrir une présence touristique dans la métropole, présence qui ne sera pas un musée. «Des musées autochtones, il y en a aux quatre coins du Québec», dit-il. «On ne veut pas archiver les cultures, on veut les maintenir vivantes», précise Mme Parent.

«L’ADN du projet, c’est la technologie, que ce soit avec les simulateurs d’expériences, la réalité augmentée, les systèmes d’hologrammes, etc., affirme M. Laveau. Il y a différentes technologies qui sont très stimulantes, très immersives, qui permettent aux visiteurs d’être en contact virtuellement avec la culture des 11 nations autochtones du Québec.»

L’expérience qui sera vécue dans ce lieu, dont le nom officiel n’est pas encore déterminé, sera d’une durée de 60 à 90 minutes et permettra aux visiteurs de participer virtuellement ou d’observer une action culturelle autochtone. Par exemple, «on pourrait permettre à un visiteur, à l’aide d’un simulateur, de parcourir les rivières comme le faisaient ou comme le font certaines nations. Autrement dit, il y a une question éducative qui se fait dans une expérience ludique et immersive grâce à la technologie», explique M. Laveau. L’expérience a aussi pour but de propulser les visiteurs vers les expériences touristiques autochtones dans les communautés partout au Québec.

Ce projet de lieu culturel, né du Réseau pour une stratégie urbaine de la communauté autochtone de Montréal, est dans l’air depuis plusieurs années, précisent Mme Parent et M. Laveau. Depuis quelques mois, il est porté par un nouveau souffle, issu de la col­laboration entre l’organisme DestiNATIONS et Tourisme Autochtone Québec. «On est deux promoteurs qui ont des missions différentes mais complémentaires, affirme Mme Parent. Le projet a besoin des deux missions pour exister, on en
est convaincus.»

Une vision différente
Selon Marie-Josée Parent, la notion de culture pour les autochtones diffère de la vision qu’en ont les Occidentaux. «Ce n’est pas pour être professionnel qu’on fait de l’art, c’est pour transmettre sa culture. Une chose dont on se rend compte, c’est qu’il y a beaucoup d’artistes qui ne vont pas se définir comme “artistes”, parce que ce mot existe très peu dans les langues autochtones. On parle de “créateurs”. Toutle monde est créateur.»

Suivant cette logique, Mme Parent mentionne que les catégories «amateur» et  «professionnel» ne seront pas utilisées puisque «la culture appartient à tous». Aussi, «il n’y a pas de notion de secteur, d’industrie ou de milieu culturel; ça, c’est très occidental, même si certains artistes ont une certaine hybridité», reconnaît-elle.

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