Jessie Ware, l’anti-diva
Avec deux albums et une pléthore de collaborations en banque, la soul raffinée de Jessie Ware démontre que, parfois, la modération a bien meilleur goût.
Jessie Ware, c’est la chouchoute d’une nouvelle garde de producteurs européens de house et d’électro (Disclosure, SBTRKT, Julio Bashmore). C’est la chanteuse soul qui sait faire preuve d’un minimalisme carrément désarmant devant le micro. C’est la Britannique de 30 ans derrière les hits radiophoniques Wildest Moments et Tough Love, qui a laissé une foule osheagienne bouche bée lors de son passage électrisant au parc Jean-Drapeau, par un dimanche pluvieux de 2013. «Tu m’as vue en concert à un bon moment, me confie d’emblée celle qui fait preuve d’une surprenante dose d’humilité. À l’époque, je venais tout juste de me rendre à l’évidence que personne ne pouvait m’imposer de chanter en talons hauts, donc je célébrais le constat en sautillant d’un bout à l’autre de la scène en souliers orthopédiques!»
Autant Ware peut être spontanée et blagueuse en entrevue, autant elle se fait plus délicate et mélancolique sur disque. C’est cette discrétion dans les pirouettes vocales, cette élégance envoûtante qui donnent tout leur sens à des chansons traitant de cœurs brisés et de ruptures déchirantes. Ayant subjugué les producteurs les plus courus de l’heure – Dev Hynes (Blood Orange), Ed Sheeran, Miguel et le duo BenZel (Two Inch Punch et Benny Blanco) ont tous apposé leur touche magique sur Tough Love, son dernier album – Ware affirme qu’elle tient dur comme fer à ne pas diluer cette puissante signature alors qu’elle taille rapidement sa place au sein des palmarès radio.
«Même sur une chanson comme Say You Love Me, probablement mon plus gros hit, ma voix est toujours en retenue. C’est ce que les gens aiment chez moi, et je ne suis pas prête à sacrifier ça pour la gloire du top 40. Mais je ne voudrais pas pour autant m’empêcher de puiser dans des élans plus exaltés lorsque je juge le moment opportun.»
«Au début, j’étais encore en train de me définir en tant qu’artiste; je tâtais le terrain. Lorsque j’essayais des montées vocales dignes des plus grandes divas, je trouvais que ça sonnait faux. Mon approche a toujours été de choisir quelques moments-clés pour des envolées plus… vigoureuses!» Jessie Ware
Celle qui cite Kate Bush, Sade, Annie Lennox et Whitney Houston comme inspirations de longue date a d’abord été choriste pour ses amis Florence Welsh et Jack Peñate, avant de faire une rencontre déterminante avec le producteur électronique SBTRKT. «Il m’a invitée à chanter sur un de ses morceaux, et ça m’a rappelé à quel point je m’identifiais à cet univers. Je baignais dans la culture drum ‘n’ bass et garage de l’époque, et c’était un moment charnière pour la scène électronique à Londres, avec tous les producteurs émergents de bass music, le lancement des soirées Boiler Room et celles organisées par le label écossais Numbers. Tout était possible.»
Nommée en 2012 pour le Mercury Music Prize (l’équivalent du Polaris au Royaume-Uni), celle que plusieurs ont découvert aux côtés des frangins de Disclosure ou comme vocaliste aux talents un peu emmitouflés sous des couches de basses retentissantes parle de la production de son dernier album comme d’un choc frontal: difficile, nécessaire et enrichissante. « Je chantais Tough Love au producteur Benny Blanco [qui a produit des bombes planétaires pour Rihanna, Kesha et Maroon 5] et il me disait “J’aime ça, mais monte ton registre d’un cran.” Et moi de lui répondre qu’il avait complètement perdu la tête! J’avais si peur de m’entendre sur cet album. Je m’étais habituée, avec des producteurs de house, à dissimuler un peu ma voix. Mais il a insisté, du genre ‘‘allez, tais-toi et vas-y’’. J’étais terrifiée, mais j’ai acquiescé et, au final, c’est ce qui rend la chose intéressante. J’en suis ressortie plus confiante.»
Jessie Ware
Au Théâtre Corona
Vendredi soir à 20h