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Levée du moratoire sur les renvois: des Haïtiens inquiets

Photo: Photo TC Media - Jean-Marc Gilbert

Depuis le 1er juin, les Haïtiens qui habitent au Canada sans le statut de résident permanent et qui n’ont pas envoyé leur demande pour le devenir risquent d’être renvoyés en Haïti en raison de la levée du moratoire sur les renvois.

En décembre dernier, le gouvernement fédéral avait annoncé que les Haïtiens qui vivent au pays avaient six mois pour remplir et envoyer une demande de résidence permanente pour motifs humanitaires.

Depuis janvier, la Maison d’Haïti, située à Saint-Michel, croule littéralement sous les demandes d’Haïtiens qui ont besoin d’aide pour remplir ces longs documents.

«Nous avons accéléré le rythme et fait appel à plusieurs bénévoles, indique Marjorie Villefranche, directrice de l’organisme. Il y en a une trentaine en rotation.»

Une visite de TC Media, quelques jours avant la date butoir du 1er juin, a permis de constater à quel point les bénévoles étaient débordés et tentaient d’aider le plus grand nombre possible de demandeurs.

Une bonne partie des 3000 Haïtiens, qui devaient envoyer une demande, habitent à Montréal-Nord, à Rivière-des-Prairies, ou ailleurs dans la métropole.

Le 31 mai, quelques centaines de personnes ont pris part à une marche organisée par Solidarité sans frontières pour dénoncer l’intransigeance du gouvernement fédéral dans le dossier.

Complexe
Selon Mme Villefranche, Ottawa n’aurait pas dû demander aux Haïtiens de remplir une demande pour considérations humanitaires, puisque ça représente une très grande charge de travail.

«Il faut prouver qu’il y a des risques à revenir dans le pays, prouver que notre vie est ici et non plus là-bas. Et en plus, il faut rédiger un argumentaire de 10 à 25 pages. Le gouvernement aurait pu demander de remplir un formulaire plus court.»

La directrice de la Maison d’Haïti fait aussi part de ses inquiétudes à l’égard des Haïtiens qui n’ont pas eu le temps d’envoyer les documents d’ici la date butoir, puisque leur permis de travail n’est plus valide.

«Ils vont vivre de quoi? Ils vont crever? Ils vont aller travailler au noir?», se questionne-t-elle.

Ottawa maintient la ligne dure
Même si la ministre provinciale de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, Kathleen Weil, et le maire de Montréal, Denis Coderre, ont demandé un délai supplémentaire, le gouvernement fédéral refuse catégoriquement.

«Le ministre [de la Citoyenneté et de l’Immigration], Chris Alexander a répondu à deux questions, à la Chambre des communes, à ce sujet. La réponse est claire que nous n’aurons pas avoir d’extension», a fait savoir Kevin Ménard, attaché de presse au cabinet du ministre.

«Entre février 2004 et le 1er décembre 2014, la suspension temporaire des renvois a été prolongée plus d’une quinzaine de fois. Une population importante a profité de cette période de 10 ans pour régulariser leur statut au Canada», ajoute-t-il.

Il indique que le délai était «raisonnable pour les Haïtiens qui désirent sérieusement faire du Canada leur pays de résidence permanente».

L’opposition réagit
Dans un ultime effort pour tenter de faire plier le gouvernement, le Nouveau Parti démocratique et le Bloc québécois se sont prononcés sur le dossier, le 1er juin.

«Les Haïtiens réfugiés au Canada doivent avoir plus de temps pour remplir leur demande de résidence permanente afin de pouvoir rester au pays, affirme la porte-parole de l’Opposition officielle en matière de citoyenneté et d’immigration, Lysane Blanchette-Lamothe. Il est injuste que des enfants nés ici vivent avec le risque d’être déportés en Haïti. On ne peut pas laisser les aînés et les familles haïtiennes vivre avec l’angoisse d’être renvoyés.»

«Le temps est écoulé et l’inaction, la négligence, d’Ottawa crée un climat d’inquiétude pour des familles installées et, dans la plupart des cas, intégrées au Québec», ajoute pour sa part le chef du Bloc québécois, Mario Beaulieu.

Rappelons qu’Emmanuel Dubourg, député de Bourassa, avait aussi interpellé le ministre Alexander à la Chambre des communes, quelques jours avant la date limite.

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