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Aide humanitaire: faire la guerre aux déficiences visuelles

Photo: Roland Filiatrault/collaboration spéciale

Chaque année, près d’une soixantaine d’optométristes, d’opticiens et d’assistants québécois voyagent dans des pays en voie de développement pour améliorer la vue des plus défavorisés.

Les bénévoles d’Optométristes sans frontières (OSF), une branche de l’organisme de coopération internationale Terre sans frontières, peuvent traiter chaque année jusqu’à 5 000 personnes. Celles-ci découvrent leur environnement grâce aux lunettes qui leur sont offertes. «Au Pérou, un concierge qui faisait -14 de myopie n’avait jamais porté de lunettes. Quand il en a mis, il était comme un enfant qui découvrait le monde», raconte avec émotion Andrée De Guise, opticienne chez Vision Expert, à Montréal-Nord, qui a déjà participé à 13 missions de coopération.

Il y a aussi cette petite fille qui a découvert le visage de sa mère, ou ce jeune homme atteint d’une maladie complexe de l’œil qui a pu voir ses mains pour la première fois. Ces gens vivent dans des régions où il n’y a pas de services d’optométrie, ou alors dans des endroits où ces services coûtent tellement cher que les plus pauvres ne peuvent pas se les payer.

D’après l’Organisation mondiale de la santé, près de 120 millions de personnes ont des déficiences visuelles dues à des défauts de réfraction non corrigés, comme la myopie, la presbytie ou l’astigmatisme. «Ça peut être très incapacitant, souligne l’optométriste Michel Desrosiers, qui a pris part à une dizaine de missions d’OSF. Les jeunes hypermétropes, qui ne voient pas bien de proche, ne peuvent pas faire un travail qui demande de la lecture ou de la précision. Les myopes, eux, ne peuvent pas conduire, très souvent. Par ailleurs, pour bien des enfants, voir ou ne pas voir fait la différence entre aller à l’école ou ne pas y aller.»

Comment en arrive-t-on à faire de petits miracles pour ces personnes? Tout part des boîtes de don de lunettes, qu’on retrouve dans les cliniques d’optométrie, les hôpitaux, les bibliothèques et les aéroports, notamment. Ces vieilles lunettes sont récoltées et analysées par des opticiens, qui déterminent la prescription de chaque paire.

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Par la suite, de cinq à sept fois par année, de petits groupes formés d’optométristes, d’opticiens, d’assistants et de traducteurs partent pour l’Amérique du Sud, l’Afrique ou l’Asie, avec du matériel d’examen et des lunettes dans leurs valises. «On peut partir avec 2 500 lunettes», estime Mme De Guise.

Durant deux ou trois semaines, les équipes voient une centaine de personnes par jour. Les optométristes examinent les patients et leur font des prescriptions. Puis, les opticiens, aidés des assistants, trouvent les lunettes qui conviennent le mieux à chaque prescription et à chaque personne, les ajustent et s’assurent que les patients sont à l’aise avec elles. «Au début de la mission, le choix de lunettes est vaste, mais vers la fin, c’est plus difficile» fait remarquer Mme De Guise.

Les problèmes visuels rencontrés durent ces missions ne sont pas toujours les mêmes qu’au Québec. «Dans certains endroits, la presbytie est très précoce, se rappelle M. Desrosiers. Ailleurs, il y a plus de cas de cataractes parce que les gens ne protègent pas leurs yeux du soleil. En Bolivie, certains types d’astigmatisme sont beaucoup plus fréquents qu’ici.» Selon Mme De Guise, de 75 % à 80 % des personnes diagnostiquées pour des déficiences visuelles au cours de ses missions sont des femmes. «Les femmes s’usent les yeux en faisant de la couture ou en cuisinant, alors que les hommes vont davantage travailler au champ», soumet-elle comme hypothèse.

M. Desrosiers et Mme De Guise se préparent déjà à d’autres missions. «Ça me permet de voyager en ayant un vrai contact avec la population locale, dit M. Desrosiers pour expliquer ce qui le motive. Je m’exerce aussi à parler espagnol et j’ai le sentiment d’aider les gens grâce à mes compétences.»

Recrutement difficile
Si les activités d’Optométristes sans frontières (OSF) n’ont pas beaucoup augmenté au cours des dernières années, c’est que l’organisme se heurte à des problèmes de recrutement. «La plupart des coopérants doivent prendre des vacances pour partir en mission, ne peuvent pas trouver de collègue pour les remplacer et doivent financer eux-mêmes leur participation», regrette Petain Saavedra, responsable d’OSF chez Terre sans frontières.

Les coûts de participation ont doublé depuis deux ans, puisque Terre sans frontières a perdu toute subvention de l’Agence canadienne de développement international (ACDI), qui n’a pas fait d’appels de propositions depuis près de deux ans. «C’est certain que ça me dérange, reconnaît l’opticienne coopérante Andrée De Guise. Je dois payer environ 1 500 $ de ma poche, alors que c’était 700 $ avant.»

M. Saavedra rapporte qu’après deux années difficiles, son organisation a appris à être autonome, notamment en organisant davantage de collectes de fonds. Terre sans frontières n’est pas le seul organisme à manquer d’argent. L’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI) a dénoncé la semaine dernière les compressions et les délais dans le renouvellement du financement de certains programmes de l’ACDI. «La plupart des organismes québécois de coopération internationale ont dû diminuer leurs activités d’aide et accorder énormément d’énergie à leur financement», déplore Gervais L’Heureux, directeur de l’AQOCI.

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