La laïcité imaginaire

C’était prévu. L’immigration allait s’inviter avec fracas dans l’actuelle campagne, parce que le sujet paie en période électorale.

Il a suffi que le Parti québécois lance l’idée d’une charte sur la laïcité, qu’une candidate controversée soit porteuse du message et qu’un maire frileux s’en mêle, et, voilà, on l’a notre manne électoraliste.

Là, je me suis dit : y a-t-il vraiment péril en la demeure pour brandir le spectre d’une charte?

A-t-on assisté dernièrement à des mouvements de masse des minorités religieuses qui menacent la laïcité? Quelle est l’urgence? Il me semble que nous avons d’autres chats à fouetter.

Pour vérifier si j’étais dans le déni, j’en ai parlé avec des spécialistes autour de moi. Et pour en avoir le cœur net, j’ai eu une entrevue téléphonique avec Me Julius Grey, l’un des éminents spécialistes des questions de libertés individuelles.

D’emblée, il m’a lancé que «d’une part, c’est une perte de temps de se préoccuper des turbans, des kippas ou des foulards». Et que «d’autre part, la grande majorité des Québécois sont vraiment laïcs. De toute façon, la laïcité ne soulève pas de controverse.»

Alors, a-t-on un vide juridique qui laisserait planer un risque imminent au-dessus de la société québécoise? L’arsenal juridique dont dispose le Québec – notamment la Charte des droits et libertés – n’est-il pas suffisant pour gérer la diversité?

Pour Julius Grey, il est clair que «c’est quelque chose qui n’est pas nécessaire. Pour assurer une neutralité totale de l’État, certaines décisions seraient acceptables pour interdire aux juges et aux procureurs de la Couronne de porter des signes religieux ostentatoires. Ce sont des décisions qu’on peut prendre avec des règlements sans avoir besoin d’une charte.»

Mais alors, pourquoi élargir l’interdiction aux fonctionnaires et autres agents de l’État?
«C’est tout simplement une mauvaise idée. Il me semble qu’il serait néfaste d’empêcher des immigrants d’accéder à des emplois dans la fonction publique, constate le spécialiste. C’est une chose qui n’est pas nécessaire, qui est dangereuse, qui mènerait à un litige et qui ne nous donnerait rien.»

Autrement dit, si la charte prévue par le PQ est adoptée, va-t-elle créer l’harmonie et éviter les quiproquos? Il paraît que non, car la charte «est sûrement attaquable. On va invoquer la close nonobstant, comme l’a fait M. Bourassa sur la question du français, précise Julius Grey. J’étais parmi les avocats qui l’ont attaqué auprès des instances internationales avec succès.
Et le Québec s’est rétracté.»

Arrêtons de mentir au peuple. Une femme musulmane ne cessera pas soudainement d’être musulmane si elle est obligée d’enlever son hijab pour exercer sa profession. C’est le cas pour un sikh sans kirpan ou un juif sans kippa! Alors, quelle sera la prochaine étape? Allons-nous leur interdire la libert é de conscience?

Au Québec, nous avons la chance de vivre dans une démocratie libérale où le gouvernement de la majorité s’engage à respecter les libertés et les droits fondamentaux de tous les citoyens.

Mais «ici, je pense qu’on a oublié la liberté», observe avec regret Julius Grey!

Le fait de diviser pour régner est une spécialité des conservateurs qu’une majorité de Québécois rejette! Que Stephen Harper soit populiste est une chose, que le PQ le devienne, réveillez-moi de ce cauchemar!

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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