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Les Blancs et le racisme systémique

L’autre jour, j’écoutais Marie-France Bazzo à la radio; elle réagissait au tweet d’un auditeur. Ce dernier lui avait reproché le fait que, dans son émission, elle avait abordé le sujet du racisme systémique avec ses invités, que des Blancs autour de la table. Mme Bazzo s’est défendue en arguant que les Blancs sont aussi touchés par la question, qu’ils ont le droit de s’exprimer sur le sujet, de donner leur avis et de participer au débat.

Bien sûr.

Tout le monde a le droit d’avoir une opinion et de la défendre. C’est banal, nous vivons dans une démocratie après tout. Ce n’est pas de ça qu’il s’agit. Le commentaire de l’auditeur exprime un autre type de problème : la quasi–absence des premiers concernés du débat public. Les communautés racisées, les minorités ethniques et religieuses, n’ont pas autant accès aux médias et aux tribunes médiatiques que les Blancs, elles n’ont pas autant accès aux cercles du pouvoir économique et politique non plus. Il ne s’agit donc pas d’empêcher quiconque de s’exprimer, mais plutôt de s’assurer que les premiers concernés aient un droit de parole équitable dans nos médias et nos tribunes publiques.

D’où, d’ailleurs, l’intérêt de la commission sur la discrimination systémique et le racisme. Celui d’offrir aux minorités, enfin, un safe space où exprimer leurs griefs. On peut lui reprocher plein de choses à cette commission, le fait qu’elle brasse trop large, par exemple, ou son opacité. Certes. Mais nier sa pertinence est un privilège de Blancs qui, paradoxalement, ne fait que renforcer sa nécessité.

Si les minorités nous disent qu’il y a un problème de discrimination systémique, nous nous devons de les écouter. Pourquoi? Parce que le problème de la ségrégation raciale en Afrique du Sud n’a pas été laissé aux soins des Blancs sud-africains. Le droit de vote des femmes n’est pas un cadeau des hommes. Et le droit à la diversité sexuelle n’est pas une affaire d’hétérosexuels.

Il y a là un archétype fondamental. D’un côté, un groupe «dominant» qui, pour des raisons historiques, détient la grande majorité des pouvoirs et des privilèges : politiques, économiques, sociaux et culturels: homme blanc, riche, hétéro. De l’autre côté, il y a les groupes «dominés» : femmes, gays, pauvres, vieux, minorités linguistiques, ethniques et religieuses. Dans l’inconscient collectif du groupe dominant, les privilèges vont de soi, ils sont inconsciemment justifiés et validés par moult biais cognitifs. Le privilégié ne se rend que rarement compte des avantages dont il jouit, croyant, naïvement, que tout le monde pourrait y avoir accès.

Si on devait espérer du groupe dominant qu’il abandonne son pouvoir et ses privilèges, comme ça, par bonté de cœur ou par altruisme empathique, on attendrait longtemps. C’est l’éveil des groupes dominés qui a permis au fil de l’histoire de rendre le monde plus égalitaire, en s’exprimant, en condamnant, en forçant le changement. Pensez Ghandi, Mandela, ou Luther King. Chez nous aussi: René Lévesque (droit à l’autodétermination), Thérèse Casgrain (droits des femmes), Nina Wilson (droits des Autochtones).

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