Soutenez

Ma chronique sur le tofu

Organic Tofu Isolated on White Photo: Getty Images

Ça faisait vraiment vraiment longtemps que j’avais envie d’écrire sur le tofu, mais j’attendais le bon moment. Tellement d’inepties se disent sur ce pâté divin fait de sédiments de soja : il est temps de mettre un terme aux idées préconçues entourant ce malaimé culinaire.

La première d’entre elles étant bien sûr que le tofu ne goûte rien. Pourtant, quand on le compare aux autres protéines, on réalise qu’il fait l’objet d’un double standard éhonté. Faites l’essai de vous cuire un steak à la vapeur sans assaisonnement et venez dire sans vous piler sur le cœur que ça goûte quelque chose. Non. Ça goûte rien. Et le rien que goûte le tofu n’est pas pire que le rien que goûte la vache. Voilà tout ce que le tofu ne goûte pas : la mort, les remords, la domination animale, le spécisme, les gras saturés et le cholestérol.

Mais rien ne me fait rouler plus haut les yeux au plafond que lorsque j’entends un amateur de tofu des grands soirs de semaine affirmer avec autorité que «le tofu ne goute rien : il faut l’ASSAISONNER». No shit Sherlock. En fin de semaine, la serveuse d’un restaurant m’a expliqué que le sel et le poivre disposés sur la table servaient à augmenter la saveur de mes aliments si je le désirais. On est au même niveau d’information ici.

On vous proposera donc de noyer votre tofu dans la sauce soya – faites-le tremper toute la nuit, qu’on vous dira, parce que c’est long en ta faire mariner du tofu –, dans les épices BBQ, dans une mixture impliquant du ketchup, dans le sirop d’érable. Vous qui aviez décidé de manger du tofu pour donner un peu de répit à vos artères, vous vous retrouverez alors devant un plat digne des fastes soirées de Super Bowl.

C’est vrai, le tofu ne goute pas grand chose, tout au plus, on pourrait lui accorder un léger arome de matières végétales semblable à celui du carton. Mais c’est ainsi, dans toute sa fadasserie, qu’il doit s’apprécier. Les restaurants qui cuisinent le mieux le tofu sont bien sûr ceux qui assument son insipidité. Aux Vivres le fait triompher, à peine grillé, sur ses salades et son fameux bol dragon. Patati Patata remplace simplement sa boulette de steak haché par un carré de tofu bien fade qui bat toutes les recettes plus compliquées les unes que les autres de végéburgers du monde.

Le tofu, comme la méditation, est un temps d’arrêt. Un moment de repos pour les papilles. Une pause de saveur. Une suspension dans le tourbillon des parfums que l’on afflige à nos organes des sens. Il nous fait prendre conscience des autres goûts qui l’entourent. C’est le moment présent des aliments. Un petit cube, ferme ou soyeux, qui vous rappelle que la vie en soit est succulente.

Bon, c’est sûr qu’au lendemain du débat à la présidence des États-Unis le plus surréaliste de tous les temps, vous vous attendiez peut-être d’avantage à ce que je dénonce le triomphe de la culture du viol, alors que l’un des candidats a expliqué que lorsqu’il se vantait d’agresser sexuellement des femmes, ce n’était, au fond, que des conversations de vestiaires, et qu’il n’y avait personne sur terre qui respectait plus les femmes que lui. J’aurais pu écrire que la personne qui respecte les femmes est celle qui, dans le vestiaire, dit aux boys de fermer leur gueule lorsqu’ils tiennent ce genre de propos. Mais il me semble que j’ai déjà tout dit ça. Si souvent que même moi je me gosse. Il m’apparaissait plus opportun de vous faire part de mon amour pour le tofu. Ça au moins c’est positif. Pour ce qui est de la culture du viol, vous me permettrez cette petite autopromo, ce petit essai collectif auquel j’ai collaboré et qui tombe à point.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.