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UQAM: quand l’obsession sécuritaire sème la pagaille

Photo: Archives Métro

Pouvez-vous être plus précis? La réponse est oui.

On reprochait au mouvement étudiant de manquer de précision, de faire la grève contre tout et n’importe quoi. Qu’à défaut d’avoir des enjeux spécifiquement liés à l’éducation à défendre, le mouvement revendiquait presque de faire rédiger une constitution par Amir Khadir.

À l’UQAM, toutefois, la direction semble avoir donné des raisons aux étudiants d’y aller de revendications plus précises. C’est ce qu’a fait l’Association facultaire étudiante de Sciences humaines (AFESH) hier en votant en faveur d’une grève illimitée pour des raisons on ne peut plus précises. Si vous lisez la proposition, vous constaterez que le champ lexical de lutte à l’austérité et aux hydrocarbures, encore présent, a fait une large place à celui de la lutte contre la répression politique reprochée à la direction de l’UQAM.

«Considérant l’intensité sans précédent de la répression politique à l’UQAM, opérée via la vidéosurveillance, le fichage, la hausse fulgurante du nombre d’agent-es de « sécurité » et du budget « sécuritaire », les expulsions ciblées et la judiciarisation; Considérant que cette répression vise à couper court à la mobilisation politique en cours et à venir […];»

En menaçant d’expulsion des étudiants sur une base qui semble aléatoire et savamment stratégique, l’UQAM, loin de contrôler un fléau administratif, a mis de l’huile sur le feu et offert sur un plateau d’agent des raisons légitimes pour la communauté universitaire de s’indigner.

Vous pensiez que cette grève n’avait pas d’issue possible, faute d’avoir des revendications précises à mettre sur la table de négociations? Maintenant, elle en a :

«L’AFESH exige la révocation immédiate et définitive des neuf convocations devant le comité de discipline;

[…] exige que l’administration s’engage à ne pas engager de poursuite judiciaire contre les individu-es visé-es par ces convocations;

[…] demeure en grève […] tant et aussi longtemps que des étudiant-es seront l’objet d’expulsion ou de menace d’expulsion politique, ou de judiciarisation en lien avec les mandats de l’AFESH;…»

Sous les caméras, un groupe mis sur pied «en réponse au préjudice causé par la présence intrusive de caméras de surveillance mises en place par l’administration de l’UQAM et à l’absence de consultation de la communauté universitaire», a publié la semaine dernière des photos des membres de la direction de l’UQAM avec la mention «expulsé» et la raison de leur expulsion. Ces illustrations démontrent par l’absurde le caractère politique de l’escalade des mesures de sécurité à l’UQAM.

Photos publiées par l'organisation Souslescameras.ca
Photos publiées par l’organisation Souslescameras.ca

Si au moins ces mesures semblaient répondre à des besoins probants au sein de la communauté universitaire ou à quelques données scientifiques? Après tout, c’est d’une université qu’il s’agit.

Ça ne semble pas vraiment être le cas. Il y a un an, le vice-recteur à la Vie universitaire, Marc Turgeon, s’opposait à l’implantation d’un site d’injections supervisées sur le campus de l’UQAM (c’est-à-dire quelque part au centre-ville près d’un bâtiment appartenant à l’UQAM), en dépit de données scientifiques confirmant son bienfondé. Pendant ce temps, des étudiants se plaignent de voir des seringues ensanglantées dans les toilettes de l’établissement. Probablement parce qu’à défaut d’avoir un endroit sécuritaire à leur disposition, les consommateurs de drogues injectables estiment que les toilettes de l’UQAM offrent la meilleure alternative.

Dans un autre dossier, en décembre dernier, l’UQAM admettait ne pas en faire assez en matière de prévention des agressions sexuelles. Des étudiantes, on s’en souviendra, avaient pris l’initiative de se faire justice elles-mêmes en dénonçant sans aucune forme de procès des professeurs. Quand, en janvier dernier, le service de sécurité de l’UQAM a procédé à un sondage sur la sécurité sur le campus, j’étais persuadée qu’il s’agissait d’une réponse à cette situation qui mettait à la fois la sécurité des professeurs et des étudiants en danger.

Or, ce sondage avait plutôt toutes les allures d’une tentative de justification d’ajout de mesures de sécurité qui n’ont rien à voir avec l’émancipation des femmes sur le campus ou la protection de la réputation d’honnêtes professeurs. Plusieurs questions semblaient orienter les réponses en faveur d’une plus grande répression, en particulier aux dépens des personnes marginalisées, en offrant des choix de réponses fermés.

Alors que les dépenses en éducation se resserrent et que les budgets de services aux étudiants sont scrutés à la loupe, en février dernier, l’UQAM a allongé 500 000$ pour renforcir ses mesures de sécurité en octroyant sans appel d’offre un contrat de «gardiennage». Ces mesures, justifiées par la mobilisation étudiante en cours, ne semblent pourtant pas avoir été sollicitées par la communauté universitaire. Une cinquantaine de professeurs ont signé une lettre dénonçant cette «dérive autoritaire».

L’UQAM est bel et bien aux prises avec des problèmes de sécurité. Tout indique toutefois qu’en s’attaquant aux mauvais enjeux, elle crée elle-même davantage de problèmes.

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