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Si tu étais une femme, juste une fois

Un grand champion international du déni des inégalités a récemment publié un texte sur le portail Huffington Post dans lequel il décrit pourquoi il aimerait être une femme, juste une fois, «pour [s]e la couler douce. Pour n’avoir qu’à battre un peu des cils pour [s]e faire payer [s]on souper». Celui qui se présente comme un humaniste et un MGTOW (Men going their own way) poursuit ainsi sur son délire pour terminer de la sorte : «J’aimerais bien être femme et enfin connaître la paix d’esprit qui vient avec toutes ces libertés, ces choix et ces privilèges».

Ce texte était une réponse à celui d’une féministe qui s’est mise dans la peau d’un homme et de ses privilèges. Dans les deux sens, l’exercice paraît futile. Quoiqu’il eût été pertinent que notre «homme qui fait ça à sa façon» développe sa compassion – plutôt que son agressivité passive – à la lecture du premier, il semble vain de comparer l’expérience masculine ou féminine au regard de sa propre expérience. En tant que femme, toutefois, je suis en mesure de révéler à ce grand rêveur que son fantasme ne se concrétiserait pas tout à fait comme il se l’imagine.

Voici donc, mon grand, ce qui t’arriverait vraiment si tu étais une femme pendant un moment:

Premièrement, tu serais menstrue. Je te souhaite de vivre à fond l’expérience en étant FULL menstrue. Tu devrais alors gérer ce flux de sang connoté de honte, mais ça, c’est de la petite bière à côté des douleurs menstruelles que connaissent chaque mois bon nombre de filles. As-tu déjà été malade en mangeant des huîtres? Ça ressemble un peu à ça. Chaque mois. Enjoy. 

On te payerait peut-être un lunch à l’occasion, mais simplement pour mieux te posséder. Pour te faire feeler cheap, si après ça ne te tente pas d’avoir une relation sexuelle. Ok, non, c’est vrai: le plus souvent, un homme t’inviterait à souper simplement parce qu’il est gentil, parce que «c’est ça la norme», et aussi un peu parce que dans la plupart des cas, c’est encore lui qui fait le plus gros salaire. J’espère que tu apprécieras aussi 80% de ton salaire.

Tu rêves de pouvoir faire l’amour sans craindre de te faire imposer la parentalité, hein? Ah oui, tu pourrais coucher à gauche à droite. On jugerait ton comportement, quand on ne te traiterait pas de salope, mais ça, c’est un détail. Le fardeau de la contraception reposerait sur tes épaules (et sur ta santé qui en paierait le prix). Parce que si la recherche pharmaceutique a fait des pas de géant pour conserver le plaisir masculin, elle a en revanche négligé l’aspect de la responsabilité. Et oups, si le condom déchirait, tu n’aurais qu’à choisir entre garder le bébé ou un avortement. Entre un coup de poing dans le ventre et un coup de poing dans le ventre accompagné d’un bel engagement d’au moins 18 ans dont tu pourrais difficilement te soustraire. Un choix tout simple.

Il y a fort à parier qu’en ouvrant ton téléviseur pour te remonter le moral, les jours où tu te trouves moche, le résultat serait plutôt que tu te sentes comme un chat mouillé obèse en regardant les modèles uniques de femmes qui défilent à l’écran. Tu pourrais te réfugier dans un bol de crème glacée, mais alors tu te sentirais encore plus comme un gros tas de déchets qui n’aurait bientôt plus sa place dans les voitures de gars sur lesquelles il est écrit «no fat chicks». Bouhouhou!

Tu n’irais pas à la guerre, c’est sûr, mais tes frères et amis gars non plus, parce que… on n’est plus en 1950. La seule chose qui est fun, c’est que si tu avais ENVIE de participer à l’effort de guerre (who knows), on te le permettrait. Bon, c’est sûr qu’une fois dans l’armée, tu courrais plus le risque que tes collègues masculins de subir du harcèlement sexuel, voire des agressions, mais hey, c’est déjà beau qu’on t’accepte!

C’est sûr qu’en te promenant dans la rue, tu aurais peut-être droit à quelques compliments. Mais des compliments sur un aspect de ta personne pour lequel tu n’as pas grand chose à voir, comme ton apparence physique, ça fait un peu l’effet de manger des galettes de riz : ça ne nourrit absolument rien. Tu découvrirais aussi que ce ne sont pas que des compliments, que les étrangers te servent dans la rue, et que si tu ne réponds pas servilement à des insultes déguisées, tu cours la chance de te faire engueuler par un weirdo. Ou pire. Parfois, on t’ordonnerait de sourire, de la manière la plus paternaliste qui soit, exactement les jours où t’as pas envie de sourire. Après une longue expérience dans ta condition de femme, tu finirais peut-être par découvrir ce sentiment étrange qu’est le désir qu’on te foute la paix.

Finalement, en tant que femme, tu courrais peut-être moins le risque de te faire accuser à tort, je ne peux pas comparer avec l’expérience masculine, même si des études tendent à démontrer que cette histoire de fausses accusations, c’est plutôt un mythe. Mais chose certaine, tu connaîtrais plus de difficultés à te faire comprendre, le jour où tu voudrais porter des accusations pour agression sexuelle, et qu’on te demanderait ce que tu portais ce jour-là, et combien d’alcool tu avais bu. En ce qui a trait à pouvoir regarder les enfants dans les parcs, dude, je ne sais pas ce que tu as fait pour qu’on te demande de circuler, mais ça devait être bizarre en titi.

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