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Le placard d’aujourd’hui

Éric Salvail Photo: V Télé

En 2016, n’est-il pas plus gênant d’être gêné d’être gai que d’être gai? Qui, en 2016, n’a pas le courage d’assumer son homosexualité? La question du placard demeure pourtant épineuse. Elle suit les personnes LGBT tout au long de leur vie. Elle les suivra jusqu’au jour où l’on cessera de présumer, lorsqu’on rencontre une nouvelle personne, que cette dernière est cis (assignée à la naissance au genre auquel elle s’identifie) et hétéro jusqu’à preuve du contraire.

Pour contrer le fait que ce n’est pas encore le cas, plusieurs personnes trans, lesbiennes, gaies ou bisexuelles développeront des stratégies de dévoilement. Pour éviter de cacher une part de leur identité ou d’avoir le sentiment de mentir, elles glisseront subtilement des indices dans la conversation, en évoquant un week-end de camping avec leur partenaire, par exemple. Elles se feront parfois dire par des innocents que leur vie sexuelle ne regarde personne, qu’elles n’ont pas besoin de crier ça sur tous les toits. À quoi on sera tenté de répondre : «Relaxe, je voulais juste te parler de mon week-end de camping.»

J’en parlais récemment avec d’autres jeunes gais et lesbiennes qui comme moi s’entendaient pour dire que le coming out, à refaire à chaque nouvelle rencontre, c’est comme le retrait d’un diachylon. Plus vite c’est fait, mieux on se sent. Il reste que cette étape, qui est toujours à recommencer, j’insiste, demeure le fardeau des personnes LGBT. Comme diraient certains gros colons, en effet, non, toi, l’hétéro, tu ressens pas le besoin de «t’afficher hétéro». On présume déjà que tu l’es.

Pour en revenir à cette question : qui, en 2016, a peur d’afficher sa différence? Des professeurs, qui redoutent que certains parents fassent encore l’amalgame entre l’homosexualité et la pédophilie. Des sportifs, qui craignent de perdre des commanditaires. Des acteurs, qui appréhendent d’être appelés seulement pour jouer des personnages gais. Des personnes trans, pour qui «passer» est une simple question de survie. Des vedettes de tout acabit, qui ont toutes sortes de peurs parfois justifiées, parfois non. Parmi elles, il y en a qui profitent de l’ambigüité entourant leur orientation sexuelle pour se permettre certaines blagues, tout en conservant le privilège de l’hétérosexualité, le confort de la garde-robe. J’ai un peu moins de pitié pour ceux-là, mais tant que le fardeau du coming out sera dans le camp des minorités sexuelles, il sera difficile de condamner cette stratégie… discutable.

Quand une chose sort du garde-robe après y être restée longtemps, c’est rarement beau. On se demande alors pourquoi c’était caché. Pourquoi cette gêne? Au micro d’Éric et les fantastiques, Mélanie Maynard se désolait de constater que le «coming out forcé» d’Éric Salvail avait généré des commentaires homophobes. Ça n’arriverait peut-être plus si on s’assumait tous pleinement. La vulnérabilité accompagne souvent la honte. Sauf que ça ne devrait plus être aux personnes LGBT à porter seules ce fardeau. La responsabilité d’installer un climat de confiance devrait incomber à tous.

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