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La peur a parlé

Pour se conformer à la réglementation, un centre communautaire musulman où l’on s’adonnait à des activités de culte a demandé un changement de zonage à l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville afin de pratiquer ses activités en toute légalité sur la rue Legendre. C’est par voie de référendum que les citoyens de ce secteur semi-industriel ont bloqué la démarche.

L’affaire pourrait sembler technique, et c’est de cette façon que certains opposants à «la mosquée illégale» l’ont présentée. Le lieu de culte, nous dit-on, serait illégal, puisqu’il ne respecte pas le zonage. Eh oui, d’où la demande expressément faite, de changer ce zonage. On prétexte encore d’autres enjeux très très techniques pour écarter la mosquée : le manque de stationnement, l’exemption fiscale accordée aux lieux de culte (qu’on ne soulève pourtant pas pour toutes sortes d’autres lieux de culte).

Des prétextes qui ressemblent un peu à ceux qu’on donnait à nos parents quand on ne voulait pas aller à l’école : «Je ne peux pas aller à l’école car je suis malade… et aussi j’ai pas préparé mon examen». La vraie raison finissait toujours par sortir. On pensait qu’elle fournirait un argument de plus pour convaincre nos parents du bienfondé de notre absence, alors qu’elle ne faisait en fait que révéler nos vraies motivations : manquer l’examen. On pourrait aussi fournir des exemples plus graves de faux prétextes que l’histoire s’est donnée pour exclure des minorités.

Dans le cas de la mosquée de la rue Legendre, ces «vraies raisons» ont été exprimées assez clairement. «En tant que femme – et on sait ce que les musulmans pensent des femmes -, ça fait doublement peur», a expliqué à Radio-Canada Nicole Vermette, du Comité des citoyens vigilants d’Ahuntsic, qui aurait également écrit sur sa page Facebook ne pas vouloir qu’«Ahuntsic devienne un sultanat». «Je ne peux pas vous dire s’il y a un risque réel, mais le danger, c’est ça. Les gens sont inquiets ici», admettait pour sa part un certain Yvan Richard. «C’est secret et caché depuis le début», exprimait par ailleurs Nicole Vermette dans un reportage à CTV. Si caché, que le centre était complètement placardé d’affiches en faveur du «Oui» au référendum.

Avec ses 3% de musulmans (pratiquants ou non), le Québec est loin de devenir un sultanat. Mais les peurs sont rarement campées dans la rationalité. L’ouverture et la transparence dont semble avoir fait preuve le centre communautaire de la rue Legendre en ouvrant ses portes et en se prêtant à l’exercice proposé par l’arrondissement n’auront pas su dissiper ces craintes. La peur a donc parlé, lors de ce référendum où l’on a soumis le sort d’une minorité stigmatisée à la volonté d’une majorité insécure.

 

* Mise à jour: les musulmans ne constituent pas 1,5% de la population (ces chiffres datent de 1991) mais 3%.

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