La loi 101, les poupons et la langue «étrangère»

Pas facile de discuter rationnellement de certaines questions. Prenez la langue, par exemple.

La semaine dernière, la ministre de la Famille, Nicole Léger, a surpris tout le monde en faisant connaître son intention d’appliquer la loi 101 aux garderies, ce qui aurait fait du français la seule langue dans laquelle les couches auraient pu être changées au Québec.

Le PQ a rapidement rappelé sa ministre à l’ordre. La Coalition avenir Québec a eu le temps de s’étonner qu’on se sente «en danger parce que des enfants qui ont zéro, six mois, un an, un an et demi ne parlent pas le français». Du côté du Parti libéral, l’ex-ministre Christine St-Pierre a dit en larmoyant qu’un «poupon de six mois» ne devait pas être «obligé de parler français».

En effet, un poupon n’a pas à parler français (j’ajouterais narquoisement qu’un poupon ne parle pas tout court, mais j’ose espérer que Mme St-Pierre le sait). Par contre, peu importe la langue parlée à la maison, un enfant issu de l’immigration devra comprendre le français lorsqu’il fréquentera l’école primaire.

La loi 101 veut ça, et personne ne remet la règle en cause. Ne serait-ce pas rendre service à ces jeunes enfants que de les familiariser avec cette langue qu’ils devront apprendre à lire et à écrire, plutôt que de leur balancer ça tout d’un coup à six ans?

Plusieurs ont voulu voir dans la réflexion à voix haute de la ministre Léger une continuité quant à la promesse mal avisée des péquistes d’étendre la loi 101 aux cégeps. Sur le fond des choses, ça n’a rien à voir. Dans le premier cas, on donnerait un coup de pouce appréciable à des enfants qui devront maîtriser le français tôt ou tard. Dans le second, on priverait des jeunes adultes de l’occasion d’apprendre une autre langue.

Si imposer l’usage du français dans les garderies est impossible à court terme, c’est pour d’autres raisons. Dans bien des garderies privées ou en milieu familial, les éducatrices ne parlent pas français, ou peu. On ferait quoi?

Cette difficulté, réelle, ne doit pas empêcher de débattre de la question en adultes, en se demandant ce qui est le mieux pour les enfants, et non ce qui ferait marquer le plus de points dans les sondages.

Le Parti québécois a préparé la volée de bois vert qu’on lui a servie en gérant le terrain linguistique comme un champ de bataille où le français doit abattre l’anglais ou subir le même sort. Mais ses adversaires politiques ne rendent service ni aux enfants ni au débat public en se contentant de critiques simplistes et démagogiques.

La langue «étrangère»

Montée de lait vite faite. Ça m’irrite au plus haut point d’entendre un tas de gens qui n’ont jamais eu de cours d’anglais sur le sens du monde débattre des vices de l’enseignement de cette langue au primaire.

Non, l’apprentissage de l’anglais – ou celui des mathématiques ou de la géographie, d’ailleurs – ne nuit pas à celui du français. Les experts en linguistique (pas ceux en politique!) le savent, et les exemples abondent. Quelques heures d’anglais par semaine ne transformeront pas non plus en anglophones des gens qui parlent français, croate ou ourdou à la maison.

Le seul effet de l’enseignement de l’anglais dès la première année, c’est de donner un minimum d’outils pour communiquer avec les 350 millions d’anglophones qui vivent à notre porte.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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