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Des emplois pour humains seulement

Le robot Da Vinci fait déjà partie de l’équipement de certains blocs opératoires et rend possibles les opérations à distance, mais avec un vrai chirurgien aux commandes. Photo: Métro

Jusqu’où devons-nous craindre la concurrence des robots sur le marché du travail? Si leur multiplication est assurée dans l’avenir, certains métiers ne peuvent simplement pas être exercés par des machines… du moins, pas encore.

Le terme «robot» vient du mot tchèque «travailleur». Dans son concept même, c’est donc un genre de collègue cybernétique qui pourrait bien, un jour ou l’autre, nous piquer notre gagne-pain. La réalité est heureusement plus nuancée car, si le robot a été imaginé pour remplacer l’homme, c’est dans ses tâches les plus mécaniques et les plus ingrates. «À bien y regarder, les robots n’ont pas supprimé d’emplois globalement, ils ont plutôt modifié la structure de la main-d’œuvre, explique Ilian Bonev, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en robotique de précision. Depuis 50 ans que les robots sont apparus dans les usines, ils ont supprimé beaucoup d’emplois peu qualifiés, comme celui de manutentionnaire, mais ils en ont créé bien d’autres plus qualifiés. Il faut des ingénieurs pour les concevoir, des techniciens spécialisés pour les fabriquer, les installer et les entretenir.»

Cela dit, les frontières de la chasse gardée des humains en matière de travail tendent à devenir de plus en plus floues. Les robots sont presque partout dans nos vies, parfois là où on les attend le moins. «Il existe déjà des robots pour le sexe récréatif, des robots barmans, des robots chefs d’orchestre, des robots enseignants», illustre M. Bonev. Finalement, rares sont les domaines qui n’ont pas encore fait l’objet de tentatives cybernétiques.

Cependant, il existe encore de nombreux freins au remplacement de l’humain par la machine. Tout d’abord, les robots humanoïdes ne sont que de pâles copies de leur créateur, et pour longtemps encore; «il faudra au moins une trentaine d’années avant qu’on puisse s’y tromper», selon M. Bonev. Ensuite, il y a la question de notre tolérance à leur «non-humanité». «Oui, on peut déjà se faire servir un whisky dans un bar par un robot, mais est-ce qu’on ne préfère pas que ce soit une sympathique barmaid qui le fasse? Autant boire à la maison», considère M. Bonev. Enfin, plus pragmatiquement, un robot coûte très cher. Dans bien des cas, remplacer un humain par une machine n’est donc pas viable sur le plan économique. Du moins, pas encore.

Les robots sont déjà plus rapides, plus précis et meilleur marché que l’homme dans bien des tâches, comme la manipulation ou l’assemblage d’objets. Mais surtout, ils n’ont pas de conscience. L’étendue de leur autonomie et de leur initiative ne dépend que de la complexité du programme qu’un humain a écrit pour eux. Les machines acquièrent petit à petit des capacités d’apprentissage, mais elles sont dénuées de réflexion. À l’heure actuelle, les robots ne peuvent qu’appliquer des recettes, au mieux les combiner de manière aléatoire… ou selon d’autres recettes qu’un humain leur aura inculquées.

Par conséquent, tous les métiers dans lesquels la sensibilité, la création, l’innovation sont une valeur ajoutée restent réservés à l’homme. Dans l’état actuel des technologies, nous sommes encore très loin de la machine pensante. Sa possibilité même fait l’objet d’un très vieux débat.

Nul ne sait exactement de quoi l’avenir sera fait, mais on peut affirmer sans trop de risque que les métiers suivants resteront bien humains, à tout le moins d’ici la fin de la carrière de la plupart d’entre nous.

  1. Chirurgien
    Le robot Da Vinci fait déjà partie de l’équipement de certains blocs opératoires et rend possibles les opérations à distance, mais avec un vrai chirurgien aux commandes. Et il coûte 2 M$! Peut-être permettra-t-il toutefois de réduire le nombre de chirurgiens, vu qu’un bon bistouri pourra couper à plusieurs endroits.
  2. Avocat
    Gagner un procès ne se limite pas à une connaissance exhaustive des textes de loi ou de la jurisprudence. On imagine mal un robot capable d’émouvoir un jury en invoquant les circonstances atténuantes qu’il a senties dans le dossier d’un accusé. Et qui veut se pointer devant le juge avec R2D2 en toge?
  3. Chercheur, inventeur
    Un des métiers par excellence de l’imagination au pouvoir. Interdit aux simples exécutants, et donc, aux robots.
  4. Politicien
    Certains disent que plusieurs élus gouvernent déjà comme des robots. Le mythe de la prise du pouvoir par les machines est bien présent dans nos cauchemars d’anticipation, mais l’expérience tourne toujours à la dictature. La démocratie demande quand même un peu plus d’empathie et de vision. Bref, votez humain!
  5. Auteur-compositeur-interprète
    Les logiciels de création musicale plus ou moins automatiques sont légion, mais ils ne produisent que du standardisé là où l’on attend de la différence. Surtout, aimerait-on autant notre Céline si c’était une machine?
  6. Cuisinier
    Il existe déjà des robots cuisiniers, mais ils se trouvent dans les pizzerias industrielles, pas dans les restaurants à étoiles Michelin. Rappelez-vous : un robot applique des recettes, il n’en crée pas. Ou alors, on peut douter du résultat…
  7. Sportif
    Il y a déjà des combats de robots et des courses de voitures en pilotage automatique, mais ce sont finalement des ingénieurs qui s’affrontent par procuration. Par ailleurs, l’intérêt du sport n’est-il pas de voir des hommes face à face?
  8. Programmeur
    «Une arbalète ne peut pas se prendre elle-même pour cible», disait Descartes en parlant de l’esprit humain. Il en va de même pour les cerveaux électroniques, qui auront toujours besoin d’un cerveau humain pour leur mettre le pied dans l’étrier.

Bref, d’ici à ce que la technologie nous rattrape (peut-être), nous avons tout intérêt à cultiver ce qui nous distingue de la machine.

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