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Halte à la surfacturation dans les cliniques privées

Photo: Métro

Québec doit cesser de fermer les yeux sur la facturation abusive, et souvent illégale, des soins et des services dans les cliniques privées.

C’est le message envoyé hier par plusieurs organismes de défense du système de santé publique. «On assiste dans les dernières années à une augmentation astronomique du nombre de plaintes» en matière de facturation abusive, s’indigne le membre du comité de lutte en santé (CLES) de la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles, Alain Chaurette.

La Régie de l’assurance-maladie du Québec (RAMQ) a traité 3 632 demandes de remboursement en 2012, contre 2 141 en 2011, une hausse de près de 70%. De ce nombre, 745 demandes ont été acceptées, pour un remboursement total de 526 686$.

De nombreux services qui devraient normalement être gratuits figurent dans les plaintes des patients floués. La facturation des ouvertures de dossier, une pratique courante dans plusieurs cliniques, est notamment illégale souligne le collectif des Médecins québécois pour le régime public (MQRP).

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«En tant que médecin de terrain, j’entends chaque jour des histoires de surfacturation», déclare la vice-présidente du MQRP, Camille Gérin. Elle rapporte entre autres des cas de colonoscopies, procédure devant être remboursée par la RAMQ, ayant coûté 500$ aux usagers d’une clinique.

Quand elle n’est pas illégale, la facturation devient souvent déraisonnable, comme l’indique Gabriel, un résidant de Pointe-Saint-Charles. Lors d’un examen ophtalmologique dans une clinique privée, ce dernier a dû débourser 40$ pour des gouttes pour les yeux qui, au même moment, se détaillaient à 1$ à la pharmacie. À la suite d’une plainte au Collège des médecins, l’ophtalmologiste lui a remboursé 20$ quelques mois plus tard.

Vu l’aggravation des problèmes liés à la surfacturation, Mme Gérin juge inacceptable que l’accès aux soins devienne progressivement «déterminé par la capacité de payer, et non par l’état de santé». Elle demande à Québec de s’attaquer au dossier et encourage les patients lésés à se plaindre auprès de la RAMQ et du Collège des médecins. Ces deux instances doivent sanctionner et rappeler à l’ordre les médecins fautifs, rajoute la vice-présidente du MQRP, les accusant de laxisme et de désengagement.

À la RAMQ, le porte-parole Marc Lortie réfute ces allégations. «Nous faisons preuve d’une vigilance constante», affirme-t-il. La Régie a adopté une série de mesures afin de lutter contre les frais illégaux dans les dernières années, dont une unité mise sur pied en décembre 2011 qui a pour mandat d’inspecter toutes les cliniques de la province dans les cinq prochaines années.

M. Lortie rappelle que toutes les demandes d’usagers concernant des frais illégaux sont analysées par la RAMQ. Les patients qui jugent avoir payé des frais abusifs dans une clinique doivent quant à eux s’adresser au Collège des médecins, qui possède une grille tarifaire permettant de fixer ces frais.

«Nous dénonçons depuis plus d’un an le manque de clarté dans les ententes entre le ministère et les fédérations de médecins. Puisqu’il y a des zones grises dans la loi, des médecins « s’essayent » à imposer certains frais» explique le président directeur général du Collège, Dr. Charles Bernard.

Une entente entre le ministère de la Santé et les deux fédérations de médecins (spécialistes et omnipraticiens) établit quels services de santé sont couverts par la RAMQ. Toutes les interventions jugées médicalement nécessaires doivent être assurées. Seuls certains produits  peuvent être facturés (gouttes, vaccins, et agents anasthésiques) en cabinet privé, en plus de certains frais accessoires tels que des frais de photocopie. Le médecin doit afficher ces tarifs à la vue des patients et pouvoir en fournir la facture détaillée.

Payer sous la menace

L’imposition de frais abusifs ou carrément illégaux fait peser une menace sur les patients, dénonce une psycho-éducatrice à la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles, Véronique Vallée.

Par exemple, une clinique privée a chargé un montant de 100$ à un client de Mme Vallée pour avoir manqué un rendez-vous. «En plus, la clinique a précisé que si mon client ne payait pas le 100$, le médecin n’accepterait plus de le voir», précise la psycho-éducatrice. Le Code de déontologie des médecins stipule que des frais non-acquittés ne dispensent pas un docteur de faire le suivi de l’état de santé d’un patient, rappelle Mme Vallée. Elle ajoute qu’en raison de cette menace, beaucoup de gens vivent dans la peur de ne pas être soignés.

Dans d’autres cas, comme celui de Bianca B., citoyenne de l’arrondissement du Sud-Ouest, des cliniques privées encouragent leurs usagers à prendre de coûteux rendez-vous sous prétexte que les temps d’attente dans le système public sont trop longs. «On me demandait de faire passer à mon garçon un test à 120$ pour des problèmes d’oreille, en disant qu’il y avait une attente de 4 mois au public pour le même test», relate-t-elle. Après s’être renseignée, Bianca a réussi à obtenir un rendez-vous gratuit en deux semaines.

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