Le Montréalais derrière l’hôtel «râpe à fromage» et l’église «sacoche»
Il se cache derrière la construction des pyramides du Village olympique, de l’hôtel Château Champlain et d’une douzaine d’églises plus «pétées» les unes que les autres. Et pourtant, bien peu connaissent son nom. Roger D’Astous. Pour réhabiliter ce héros montréalais aussi obscur que brillant, le réalisateur Étienne Desrosiers a réalisé un documentaire qui sera diffusé à partir du 16 décembre au cinéma du Parc et au cinéma Beaubien. Métro vous convie à une e-visite, à saveur urbanistique, pour découvrir en trois temps l’envers des principales réalisations de l’architecte montréalais.
Le Montréal Château Champlain
La «râpe à fromage», comme on la nomme, n’a rien d’un château. C’est parce que le donneur d’ouvrage, l’entreprise de chemin de fers Canadien Pacifique, s’attendait à recevoir un hôtel en forme de château, comme dans les autres villes canadiennes. C’était mal connaître Roger d’Astous et son obstination légendaire! Vu de l’extérieur, le building ne paie pas de mine, pour un néophyte. C’est de l’intérieur qu’on prend conscience de la qualité de l’ouvrage: les immenses fenêtres en verre bombé font littéralement entrer la ville dans chaque chambre.
«Pour Roger d’Astous, la conception débute toujours par l’intérieur. L’extérieur d’un édifice est en fait au service de l’intérieur», explique Étienne Desrosiers. Plusieurs des chalets de luxe construits par D’Astous ont ainsi été dessinés en partant de l’escalier intérieur.
Les églises
C’est en voulant réaliser un documentaire sur l’architecture religieuse moderne, que le réalisateur est accidentellement tombé sur Roger d’Astous. «Ça m’a intéressé de comprendre pourquoi le client le plus conservateur de la terre [l’Église] avait donné des contrats à l’un des architectes les plus audacieux», lance Étienne Desrosiers. Parmi les églises les plus remarquées ce dernier souligne l’église Saint-Maurice de Duvernay à Laval. Elle se distingue par sa croix de béton allongée horizontalement pour symboliser le christ portant sa croix, alors que la plupart des églises ont une croix verticale.
À Repentigny, l’église Notre-Dame-des-Champs a une forme qui rappelle des mains en prière. D’autres la surnomment «la sacoche». Même si ses églises ne font pas toujours l’unanimité vues de l’extérieur, l’intérieur est généralement acclamé. «À part peut-être l’une d’elle, ce sont des églises de très grande valeur patrimoniale qui témoignent d’une maîtrise exceptionnelle des techniques, des concepts et des approches modernistes de cette architecture», souligne Denis Boucher, du Conseil du patrimoine religieux du Québec (CPRQ). Ont-elles bien vieilli? «Le problème, c’est la piètre qualité du béton, mais ce n’est pas propre à D’Astous. Il suffit de regarder les problèmes avec Habitat 67 ou Turcot», souligne le réalisateur.
Les pyramides
Le projet piloté en partenariat avec l’architecte Luc Durand devait marquer la renaissance de l’architecte; il aura plutôt failli signer sa perte. La structure d’hébergement de 12 000 athlète doit sortir de terre en 18 mois, tout en répondre aux demandes du maire Drapeau qui veut un édifice fulgurant alors que le style de l’architecte est de construire des édifices se fondant dans le paysage. Il faut aussi faire face à la fronde des syndicats, et aux perquisitions de la police qui cherche des preuves de collusion vu l’explosion des coûts. Les deux architectes seront finalement blanchis de toute accusation.
Malgré tout, le résultat est assez unique. Les parapets ont une forme bombée vers l’extérieur pour repousser la neige et éviter qu’elle s’accumule dans les couloirs extérieurs. C’est la particularité de l’édifice: les portes des appartements donnent sur l’extérieur, comme dans un énorme motel.
Roger D’Astous (K-Films Amérique) – le 16 décembre au cinéma du Parc, au cinéma Beaubien et au Clap.