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Un juge dénonce «un cas de profilage racial» au SPVM

Un juge vient d’acquitter un jeune homme noir accusé notamment de voies de faits contre un agent du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) en évoquant «un cas de profilage racial», a appris Métro.

C’est une décision rarissime qu’a rendue mardi dernier le juge Randall Richmond de la Cour municipale de Montréal. Alors que le profilage racial est régulièrement dénoncé par différents organismes et avocats, peu de tribunaux au Québec ont statué sur de telles pratiques. En matière criminelle, seule la juge Juanita Westmoreland-Traoré, en 2005, avait dénoncé cette pratique dans l’affaire Campbell.

Les faits qui nous intéressent ici remontent au 15 avril 2011. Âgé de 20 ans, Donat Gelin, accompagné de deux amis, quitte un bar de danseuses dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal. «Aucun ne montre de signe d’ébriété ou un comportement suspect», écrit le juge Richmond, précisant que deux agents du SPVM, appartenant à la section Éclipse, experte en matière de criminalité de violence, «observent les trois jeunes hommes sortir du bar […], traverser la rue […] et monter dans [leur] véhicule».

Les agents décident de les suivre puis interceptent la voiture quelques rues plus loin, vers 3h du matin. Donat Gelin, assis sur le siège passager avant, refuse de donner une pièce d’identité. Un troisième policier arrive ensuite sur les lieux et ouvre la portière. Le jeune homme la referme et celle-ci «heurte la jambe de l’agent», qui «met en état d’arrestation pour voies de fait» Donat Gelin.

Ce genre d’intervention est susceptible de laisser à ses victimes l’impression qu’elles ne sont pas traitées comme les autres personnes et que notre justice pénale est discriminatoire» – Juge Randall Richmond

«Une partie de pêche»
Pour les avocats du défendeur, Me Maria Choquette-Stuart et Me Dahlia Gaiptman, cette intervention était un cas de profilage racial. «Je suis d’accord», répond le juge, qui indique dans sa décision «qu’aucune infraction routière n’a été commise».

«Le défendeur et ses compagnons ont été interceptés uniquement en raison de leur profil de jeunes hommes noirs, ce qui est du profilage», affirme le juge Richmond.

Celui-ci en profite pour blâmer le «manque de transparence des policiers» et évoque «une partie de pêche qui ciblait des gens parce qu’ils étaient de jeunes hommes noirs». «À la longue, cela déconsidère l’administration de la justice au grand complet», conclut le magistrat montréalais.

Les élus doivent enfin prendre des actions et arrêter les belles paroles. Il faut du concret pour stopper le profilage racial» – Me Jacky-Éric Salvant

«Une première victoire»
Ce jugement intervient alors que la Ligue des Noirs du Québec prévoit déposer dans les prochains jours un recours collectif contre le SPVM pour dénoncer le profilage racial des agents. Le responsable de ce dossier juridique, Me Jacky-Éric Salvant, se félicite d’un tel jugement.

«Habituellement, les juges préfèrent évoquer des arrestations illégales et arbitraires. Je suis très fier et content qu’un juge reconnaisse cette pratique. Il y a un vrai problème. Tous les jours, des jeunes viennent me voir et se plaignent», détaille l’avocat, affirmant collecter des dizaines de plaintes allant dans ce sens.

Prenant lui aussi régulièrement la défense de jeunes de la communauté noire, Me Carl-Henry Dominique évoque «une première victoire». «C’est un début et malheureusement, il faut ce genre d’affaires pour faire bouger les choses, estime-t-il. Il faut que les jeunes, puis les avocats dénoncent ces pratiques. Les juges doivent également être courageux. Ces actions permettront à la police de prendre des mesures pour endiguer ce genre de situation, pour sensibiliser les agents et combattre les stéréotypes.»

Contacté dimanche, le SPVM a indiqué ne pas être en mesure de réagir.

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