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Pichet: le changement de culture prendra de 5 à 10 ans

Montreal Chief of Police Philippe Pichet speaks to the media about the tapping of a newspaper reporter's smartphone at a news conference, Monday, October 31, 2016 in Montreal.THE CANADIAN PRESS/Ryan Remiorz Photo: Archives Métro
Pierre Saint-Arnaud, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Le directeur du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), Philippe Pichet, estime qu’il faudra de cinq à dix ans pour changer la culture interne au sein du corps policier.

M. Pichet a présenté, vendredi, un plan comportant près d’une quarantaine de mesures dont l’objectif général est de «rassurer et améliorer le lien de confiance des citoyens envers le SPVM».

«Habituellement, changer une culture ça prend de cinq à dix ans», a-t-il expliqué.

«Ma volonté à moi c’est de le faire le plus rapidement possible, (mais) ce n’est pas instantané», a-t-il ajouté.

L’une des grandes orientations vise à décloisonner les services de gendarmerie et d’enquête, dont les rivalités ont été largement documentées dans les médias ces derniers temps, notamment en prévoyant que les gestionnaires oeuvrent alternativement dans les deux secteurs au cours de leur carrière.

Dans le même ordre d’idée, le plan d’action prévoit centraliser à nouveau la haute direction des quatre régions de la métropole et du Service des enquêtes spécialisées afin de contrer ce que le chef Pichet qualifie de «compétition malsaine entre les parties devenues les rois de leurs royaumes».

«On a fait des changements dans la façon de faire les enquêtes dans les services partagés des enquêtes dans les quatre divisions. On a eu de la résistance à ces endroits-là», a reconnu le directeur, indiquant qu’il faudrait du temps pour que les personnes impliquées s’adaptent.

La fin des enquêtes internes?

Du côté de la Division des affaires internes, outre le transfert des enquêtes visant des policiers à une équipe de policiers de l’extérieur, une révision complète de la gestion, des procédures, du processus d’embauche et suivi est proposée, de même qu’une révision du code de discipline.

Cependant, le directeur n’écarte pas la possibilité de voir les enquêtes portant sur des policiers être confiées en permanence à un autre service externe et indépendant du SPVM et il insiste sur le fait que le travail actuel de l’équipe externe regroupant des policiers d’un peu partout doit avoir le temps de compléter son travail.

«Si jamais on décide de transférer (les enquêtes internes) ailleurs, dans une entité distincte, on fera ça. Mais je ne voudrais pas qu’on précipite un retour aux enquêtes spéciales faites par les affaires internes trop vite. Si jamais ça revient chez nous, on mettra des choses en place pour s’améliorer», a précisé M. Pichet.

À ce sujet, la réflexion rejoint l’ensemble des acteurs politiques au dossier, à commencer par le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux.

«L’ampleur de la tâche actuelle était telle qu’on ne pouvait pas confier ça aujourd’hui au BEI (le Bureau des enquêtes indépendantes), mais le BEI pourrait être, dans le futur, capable d’en prendre une bonne partie et c’est ça qu’on va envisager pour l’avenir», a déclaré le ministre alors qu’il participait à un autre événement à Montréal.

«On envisage sérieusement la possibilité que certains types d’inconduite, de comportements ou d’allégations qui touchent des policiers puissent, dans le futur, être confiés au BEI. On réfléchit à ça», a-t-il précisé.

La présidente de la Commission de la sécurité publique (CSP) de la Ville de Montréal, Anie Samson, a également ouvert la porte à cette possibilité après que le directeur Pichet eut présenté son rapport à son organisme, indiquant qu’«il y a peut-être un modèle différent qui pourrait arriver».

Le vice-président de la CSP et conseiller de l’opposition, Alex Norris, abondait dans le même sens.

«Si on veut avoir confiance en nos policiers, il ne faut pas que les enquêtes soient effectuées par les gens qui travaillent avec ces mêmes policiers. Le potentiel de conflit d’intérêts institutionnels est trop important», a tranché le conseiller, tout en reconnaissant qu’un tel changement imposerait des changements législatifs tant au niveau provincial que municipal.

«10 ans c’est long»

Alex Norris et Anie Samson s’entendaient tous deux sur un point à l’issue de la présentation du plan Pichet, soit que sa fenêtre de cinq à dix ans leur semble excessive.

«Pour nous, pour la population, dix ans c’est long, a dit Mme Samson. Ce qu’on veut, c’est que ces modifications-là se fassent rapidement, qu’on voit des changements et que la population regagne la confiance du SPVM et vice-versa.»

«Ça prend des mesures immédiates pour restaurer la confiance du public», a renchéri M. Norris.

Même le premier ministre Philippe Couillard, qui participait à une activité à Dolbeau-Mistassini dans sa circonscription de Roberval, a émis des doutes sur cet échéancier, tout en soulignant que les organisations de cette ampleur ne se changent pas du jour au lendemain.

«C’est long. (…) L’idéal, c’est de commencer à poser un ou deux gestes dès le début qui montrent le changement qui se dessine, mais c’est certain que (ça prend) plusieurs années pour changer la culture d’une grande organisation comme celle-là», a dit le premier ministre.

Contrer la criminalité policière

Dans le secteur névralgique des enquêtes, le SPVM mettra en place une supervision directe des enquêtes et instaurera des mesures pour contrer les cas de parjure et de fabrication de preuve des employés du service. Philippe Pichet affirme qu’il n’hésitera pas à sanctionner des policiers fautifs. Il ne veut toutefois pas s’en tenir à la criminalité, mais étendre la réforme jusqu’aux manières d’agir.

«Ils auront à changer leur comportement. (…) Ça ne prend pas nécessairement des gens qui quittent. Par contre, une chose est sûre, s’il y a des gens qui ont fait des choses qui ne sont pas correctes, il y aura des actions qui seront prises», a-t-il dit.

De plus, son plan prévoit que toute interception de communications d’avocats, notaires, juges, élus ou journalistes devra être rapportée au directeur du SPVM.

Le directeur entend de plus instaurer des mesures pour identifier les comportements à risque du personnel et un soutien adéquat. La direction veut également se donner la capacité d’enquêter sur son personnel occupant des postes sensibles à tous les cinq ans et à tous les dix ans pour les autres et réviser les postes sensibles aux deux ans.

«On veut faire en sorte que, si un policier occupe la même fonction pendant 20 ans, qu’après cinq ans, si c’est une fonction sensible, on puisse le réenquêter, le réhabiliter sécuritairement», a expliqué Philippe Pichet.

Un autre point sensible touche les sources d’information et leur contrôle; on songe ainsi à revoir les critères d’admissibilité des informateurs et à limiter la durée où l’on peut utiliser un informateur.

Dans le cadre de cette réorganisation, le SPVM est présentement à la recherche d’une firme externe possédant une expertise en matière d’éthique afin de le soutenir dans sa démarche.

Le directeur Pichet, en présentant son plan d’action, a reconnu que la confiance du public a été ébranlée par les récentes révélations touchant les tiraillements internes, les allégations d’actes criminels de certains policiers et d’autres événements. Il s’agit là de la meilleure raison pour aller au fond des choses, selon lui, d’où l’ampleur de la tâche qu’il propose.

«On est tous surpris de voir le gros travail qu’on a à faire», a reconnu Anie Samson après avoir pris connaissance du rapport.

«On se rend compte, avec ce qui se passe, qu’on doit faire un nettoyage sérieux et profond», a-t-elle conclu.

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