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Les entreprises de remorquage contrôlées par le crime organisé, dénonce le BIG

Photo: Archives/TC Media

Le Bureau de l’inspecteur général (BIG) dénonce la présence du crime organisé au sein des entreprises de remorquage à Montréal.

Menaces, intimidations, coups portés avec des battes de baseball, incendies: un «climat de violence et de représailles règne sur l’industrie», écrit le BIG dans un rapport accablant de 48 pages déposé lundi après-midi au conseil municipal sur le remorquage des véhicules accidentés obstruant la circulation.

Cet organisme indépendant, créé en 2014 et dont le mandat est de lutter contre la collusion et la corruption, évoque une situation «préoccupante» et un «véritable système» qui s’est érigé «au fil du temps». Celui-ci serait contrôlé «en tout ou en partie» par des compagnies «reliées d’une façon ou d’une autre au crime organisé».

«Il existe depuis plus de 10 ans une entente de partage du territoire entre les entrepreneurs dans les secteurs qui ne font pas l’objet d’un contrat d’exclusivité avec la Ville de Montréal», peut-on lire dans ce document.

Un climat de Far West
«Le territoire de la Ville de Montréal est divisé en zones qui sont dans les faits des petits royaumes où certains entrepreneurs sont souverains et détiennent une forte mainmise», y est-il également écrit.

Selon le BIG, les dirigeants des compagnies de remorquage sont des membres d’organisations criminelles ou «ils entretiennent des liens familiaux ou d’amitié» avec elles. Certains secteurs appartiendraient même à ces organisations, et une redevance doit être payée par les entrepreneurs souhaitant remorquer des véhicules sur ce territoire.

Entre les entrepreneurs, la guerre ferait rage. Le BIG évoque un climat de Far West. Lorsqu’une compagnie tenterait de remporter un contrat dans un territoire détenu par un autre entrepreneur, elle deviendrait «la cible de menaces» et «s’exposerait à des mesures de représailles importantes».

«C’est grave et inacceptable! Il y a un travail à faire et le SPVM va pouvoir le faire. Ils ont carte blanche.» – Denis Coderre, maire de Montréal

«Faire le ménage»
Dans son rapport, le BIG émet plusieurs recommandations, notamment celle d’effectuer systématiquement des enquêtes de sécurité sur les compagnies, les dirigeants, les actionnaires et les employés des entrepreneurs obtenant un contrat public. Celles-ci pourraient être menées avec le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), a expliqué le maire de Montréal, Denis Coderre.

Ce dernier souhaite transférer les responsabilités liées au remorquage au SPVM. Une demande a été réalisée dans ce sens en février 2016. La Ville demeure en attente d’une réponse de Québec.

«Je suis ici pour faire le ménage et on se donne les outils», a clamé Denis Coderre au cours d’une mêlée de presse, tout en se disant «écoeuré» par ce qu’il a eu l’occasion de lire.

«C’est clair, que ce soit le crime organisé ou qui que ce soit d’autre, on va s’assurer de poser les gestes adéquats pour protéger les intérêts des Montréalais», a-t-il repris.

De son côté, Projet Montréal «se désole que l’administration n’ait pas fait preuve de la diligence et de la proactivité qu’on aurait pu attendre.»

«À la lumière de la gravité des faits, on devrait repenser à la manière d’accorder ces services-là», a affirmé l’élu Alex Norris, en charge des questions de sécurité pour l’opposition officielle.

Ce dernier n’écarte pas l’idée d’une gestion en interne des services de remorquage. «La question peut se poser en toute légitimité. Ce secteur est pourri et est infiltré par la pègre. Ça prend des grandes mesures et une réflexion globale», a-t-il assuré.

Principaux faits saillants du rapport
Le BIG a interrogé 70 entrepreneurs au cours de son enquête. De nombreux faits troublants ont été notés:

  • Afin d’être «backée» par le crime organisé, une compagnie peut verser une redevance. Un témoin raconte avoir payé de 500 à 700$ par semaine à un «influent membre des Hells Angels».
  • Les entrepreneurs désirant procéder au remorquage d’un véhicule accidenté obstruant la circulation dans un secteur contrôlé par des organisations criminelles doivent payer la «cut». Cette taxe varierait de 75$ à 150$ par véhicule remorqué.
  • Les problèmes se règleraient à coups de bâton de baseball et de camions incendiés, peut-on lire. Certains chauffeurs garderaient même des armes à feu à bord de leur remorqueuse.
  • Le recours à la violence a été constaté dans Ahuntsic-Cartierville, Anjou, Lachine, LaSalle, Le Sud-Ouest, Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, Montréal-Nord, Pierrefonds-Roxboro, Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles, Verdun, Ville-Marie et Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension.
  • Ces actes de violence ont poussé certaines entreprises à se désister après avoir obtenu un contrat de la Ville.
  • D’autres activités parallèles auraient également lieu. Le BIG indique que certaines remorqueuses «seraient impliquées dans le trafic de stupéfiants, le vol de voitures, le proxénétisme, le blanchiment d’argent et le prêt usuraire.»
  • Le Service d’incendie de la Ville de Montréal (SIM) fait «exclusivement» appel au service d’une compagnie qui serait, selon les témoins interrogés, «backée» par le crime organisé, sans n’avoir jamais détenu de contrats d’exclusivité de la Ville.

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