La réforme du financement des arrondissements dévoilée

L’administration Coderre-Desrochers a levé le voile mardi sur la réforme tant attendue du financement des arrondissements.

Près de 200 fonctionnaires y ont travaillé au cours des deux dernières années pour définir des paramètres permettant «un traitement équitable des arrondissements», mais aussi «une stabilité et une prévisibilité de leur financement».

«Depuis 2002, les arrondissements réalisent leurs activités avec un financement établi sur une base historique, sans aucun autre paramètre qui aurait assuré un équilibre et une équité d’un arrondissement à l’autre», a déploré le maire de Montréal, Denis Coderre.

La réforme, dont ont accouché les fonctionnaires avec l’aide du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), prévoit une révision des pouvoirs que se partagent les arrondissements et de la ville centre. Celle-ci prendra en charge la cueillette des matières résiduelles, la coordination des dépôts à neige, la gestion du stationnement, le développement économique ainsi que l’octroi des permis de construction, de rénovation et de l’occupation du territoire, dont les revenus seront remis aux arrondissements selon certains critères.

Les voies de circulation artérielles, dont la ville centre est responsable, seront en outre plus nombreuses, passant de 24% à 52% du réseau routier montréalais.

Le maire Coderre s’est défendu de présenter une réforme centralisatrice. «C’est un travail d’équité et d’harmonisation, a-t-il insisté. Embarquez-moi pas dans la centralisation parce que ce n’est pas ça.»

Certains arrondissements sortent gagnants de cette réforme. D’après une simulation des budgets paramétrés préparés par les fonctionnaires pour l’année 2014, Ahuntsic-Cartierville, Pierrefonds-Roxboro et LaSalle verraient leur budget majoré respectivement de 3,7%, 3,8% et 21,7%. A contrario, le Sud-Ouest, le Plateau-Mont-Royal, Ville-Marie et Outremont devront composer avec une baisse de revenus dépassant 10%.

«Les réformes ne font pas que des heureux, a convenu le maire Coderre, mais il faut bien se rendre à l’évidence que le statu quo n’est plus acceptable.»

Les arrondissements, dont les dotations seront à la baisse, auront dix ans pour s’ajuster. Les autres, qui verront leurs revenus augmenter, auront droit à leur plein dû d’ici cinq ans. L’administration Coderre-Desrochers prévoit en outre bonifier les budgets des arrondissements, qui totalisent 990M$ en 2014, de 3,7M$ par année au cours des 5 prochaines année.

M. Coderre a précisé que la nouvelle façon de calculer la dotation des arrondissements sera «un outil vivant». Au fur et à mesure que la situation d’un arrondissement changera, c’est-à-dire, si de nouveaux immeubles sont érigés, si de nouvelles rues sont contruites ou si de nouveaux parcs sont aménagés, sa dotation sera modifiée en conséquence.

Variations des dotations des arrondissements selon une simulation faite pour l’année 2014

• Ahuntsic-Cartierville: +3,7%
• Anjou: +3,1%
• Côté-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce: +2%
• Lachine: +2,7%
• LaSalle: +21,7%
• L’Île-Bizard–Sainte-Geneviève: -3,3%
• Mercier–Hochelaga-Maisonneuve: +8,8%
• Montréal-Nord: +6,9%
• Outremont: -19,3%
• Pierrefonds-Roxboro: +11,1%
• Plateau-Mont-Royal: -12,7%
• Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles: +10,2%
• Rosemont–La Petite-Patrie: +3,8%
• Saint-Laurent: -1,4%
• Saint-Léonard: -7,7%
• Sud-Ouest: -10,8%
• Verdun: -2,3%
• Ville-Marie: -13,7%
• Villeray–St-Michel–Parc Extension: -2,3%

Projet Montréal en furie
Pour Projet Montréal, la réforme du financement des arrondissements de l’administration du maire Denis Coderre est seulement bonne pour la poubelle.

«[Cette réforme] est profondément injuste, inefficace et à terme, invivable», lancé mardi le maire du Plateau-Mont-Royal, Luc Ferrandez. Ce dernier a donné l’exemple de son arrondissement qui compte 103 000 habitants, dont la dotation sera diminuée de 12,7%. À l’opposé, à LaSalle, il y a 75 000 habitants et les revenus seront majorés de 21,7%. Les deux arrondissements auront tous deux droit à un budget de près de 54M$.

«Le boulevard Newman aura le même argent pour la propreté par kilomètre, que la rue Sainte-Catherine, le boulevard Saint-Laurent ou la rue Saint-Denis», a fulminé M. Ferrandez. Il prévoit déjà que son administration ne sera pas en mesure de faire les compressions demandées par la ville centre.

Son collègue de Rosemont-La Petite-Patrie, François Croteau, s’est insurgé du fait que l’administration Coderre centralise les pouvoirs à la ville centre, brisant ainsi le pacte adopté en 2003 en vertu duquel dix anciennes villes se joignaient à Montréal. Celles-ci avaient obtenu l’assurance il y a 11 ans que leurs pouvoirs sur la gestion des services seraient préservés.

«Après 11 ans où on s’est habitué à cette ville, [M. Coderre] veut foutre le bordel de nouveau dans le pacte de 2003 et peut-être forcer certains arrondissements à aller en référendum pour peut-être défusionner de la Ville de Montréal», a tempêté M. Croteau.

Le chef de Projet, Richard Bergeron, a de son côté déploré que les arrondissements du centre de la ville – Rosemont–La Petite-Patrie, Sud-Ouest, Plateau-Mont-Royal et Ville-Marie – perdront près de 30M$ en dotation.

Aucun soutien de la part de Coalition Montréal
La Coalition Montréal est contre la réforme du financement des arrondissements annoncée par l’administration du maire Denis Coderre.

•  Le maire de l’arrondissement du Sud-Ouest, Benoit Dorais, a déploré que des critères comme la densité de la population et l’achalandage d’un quartier ne soient pas pris en compte dans la réforme de du financement des arrondissements.
• «Si on voulait être un peu différent des autres, il faudra taxer davantage les citoyens», s’est indigné M. Dorais.
•  Le maire de l’arrondissement s’attend à avoir beaucoup de difficulté à boucler son prochain budget.

 Autres réactions

«Rob Ford à Toronto n’aurait pas fait mieux.»
– Richard Bergeron, chef de Projet Montréal

«C’est une claque en pleine figure pour un arrondissement qui a fait le choix démocratique de demeurer à l’intérieur de la Ville de Montréal.»
– Marie Cinq-Mars, mairesse d’Outremont

«En plus de ne pas corriger les erreurs des administrations précédentes, l’administration Coderre annonce de nouvelles coupures qui, nous croyons, met en péril le fonctionnement efficace du centre-ville. Actuellement, il faut investir dans l’amélioration de la qualité de vie et des infrastructures dans le centre-ville, et non pas désinvestir. Si le centre-ville souffre, c’est tout Montréal qui en souffre.»
– Steve Shanahan, conseiller de Ville-Marie et élu du Vrai changement pour Montréal