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Montréal se dote de sa liste noire du travail médiocre

Dans le cadre du projet Bonaventure, la Ville procède notamment à la reconstruction d'infrastructures souterraines ainsi qu'à des travaux d'éclairage et de réaménagement géométrique sur la rue Nazareth entre Saint-Jacques et Ottawa. Photo: Archives Métro

La Ville de Montréal pourra maintenant refuser d’accorder un contrat à un fournisseur qui aurait réalisé un travail de mauvaise qualité lors d’un contrat antérieur.

L’administration se dotera par le fait même d’une liste noire des entreprises ayant offert à la Ville un travail jugé médiocre.

Ces nouvelles mesures devraient être adoptées au mois d’octobre par le conseil municipal et seront intégrées aux démarches de la Ville dans les mois suivants.

Chaque entreprise qui obtiendra un contrat de plus de 100 000$ pour la réalisation de travaux, pour la fourniture de biens ou de services professionnels à Montréal sera ainsi évaluée, à la fin du contrat, pour la qualité des services qu’elle a rendus.

A-t-elle respecté les plans et devis? A-t-elle respecté les échéanciers et le budget? Est-ce que le matériel fourni fonctionne adéquatement? Est-ce que les opérateurs et la main-d’oeuvre sur le chantier étaient compétents? C’est le type de questions que la Ville se posera pour évaluer chaque fournisseur à la fin d’un contrat.

Si une entreprise a respecté moins de 70% des critères d’évaluation dont la Ville s’est dotée, le comité exécutif pourra décider de la placer sur sa liste noire pour une période de 2 ans. La liste et les évaluations qui y sont reliées seront rendues publiques. Les différentes instances de la Ville de Montréal (arrondissements, comité exécutif, conseil municipal) pourraient par la suite refuser d’accorder un futur contrat à cette entreprise jugée insatisfaisante tant qu’elle est sur la liste.

Attendu depuis 2012, ce programme découle du projet de loi 8, adopté par l’ex-gouvernement péquiste, qui modifie notamment la Loi sur les cités et villes pour doter les municipalités de ces pouvoirs.

«La qualité du service rendu sera désormais aussi important que le prix payé, a affirmé mercredi Lionel Perez, responsable des infrastructures au comité exécutif. C’est un avantage pour la Ville et les payeurs de taxes, car cela nous permet de s’assurer d’une qualité des services rendus que la règle du plus bas soumissionnaire à elle seule ne nous garantie pas.»

Les entreprises seront toutefois avertis si une évaluation de rendement insatisfaisant est fait à leur sujet à la fin d’un contrat et auront 30 jours pour contester, modifier ou préciser des éléments de leur travail. C’est seulement après ce délais que le comité exécutif prendra sa décision finale à savoir si l’entreprise est ajoutée ou non à la liste noire.

Montréal possède déjà une «liste noire», mais seulement en matière d’éthique, avec des entreprises ayant été déclarées coupables ou ayant avoué avoir fait des manœuvres frauduleuses.

«Si on fait faire des travaux chez nous, dans notre cuisine ou notre salle de bain, et que nous ne sommes pas satisfaits de la qualité des travaux faits par l’entrepreneur, est-ce qu’on fera encore appel à lui?, a donné en exemple Jim Beis, responsable de l’approvisionnement. Les municipalités n’avaient pas le pouvoir de les refuser, mais maintenant on l’a.»

Mais une entreprise qui aurait été placée sur la liste noire aura tout de même la possibilité de soumissionner aux appels d’offres de la Ville. Dans le cas où elle offre la plus basse soumission conforme, les différentes instances auront également le droit de lui accorder le contrat si elles le jugent nécessaire.

Lionel Perez explique que la nouvelle loi ne permet pas d’exclure systématiquement les entreprises ayant reçu une mauvaise évaluation. «Nous croyons tout de même que ce sera très difficile de pouvoir octroyer un contrat à une telle firme [qui a obtenu une mauvaise note], il faut être conséquents. (…) Je vois mal comment on va d’emblée pouvoir octroyer un contrat suite à cela», a tout de même souligné M. Perez.

Les fonctionnaires de la Ville ont tout de même expliqué aux journalistes mercredi que certaines situations pourraient expliquer l’octroi d’un contrat à une entreprises ayant obtenu une mauvaise évaluation, comme par exemple si elle n’a à son dossier qu’une seule mauvaise évaluation parmi plusieurs contrats réalisés ou dans le cas d’un fournisseur unique où le non-octroi d’un contrat pourrait retarder des travaux.

Bien que les chefs de division à la Ville seront les seuls responsables de la réalisation des évaluations de la qualité du travail rendu par les entreprises, Lionel Perez précise que plusieurs autres fonctionnaires seront appelés à y apporter certains de leurs constats, comme le chargé de projet et le directeur de division.

La Ville dit ne pas craindre les poursuites des entrepreneurs qui seraient écartés d’un contrat en raison de cette liste noire. Lionel Perez soutient que, lorsqu’il y a eu des contestations par des entrepreneurs en raison d’autres programmes de la Ville, les tribunaux se sont rangés derrière la Ville et le cadre qui avait été adopté. «Je préfère justifier pourquoi on a exclu un soumissionnaire qui est sur cette liste [des entrepreneurs à rendement insatisfaisant], plutôt que de justifier pourquoi on a octroyé un contrat parce qu’il est le plus bas soumissionnaire», a insisté M. Perez.

L’opposition officielle à la Ville de Montréal, Projet Montréal, reçoit positivement ce programme d’évaluation qu’elle attendait depuis 2013. Émilie Thuillier, élue de Projet Montréal et également présidente de la Commission sur l’examen des contrats, fait toutefois remarquer qu’il faudra s’assurer que la Ville ait suffisemment d’expertise à l’interne pour réaliser ces évaluations.

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