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Injection supervisée: les militants optimistes

Photo: The Canadian Press

MONTRÉAL – Des travailleurs de la santé québécois et des politiciens s’attendent à ce que le nouveau gouvernement libéral à Ottawa approuve l’implantation de centres d’injection supervisée à Montréal, qui serait la deuxième ville au pays à héberger ces emplacements controversés.

Certains autres s’inquiètent cependant des effets d’une loi stricte adoptée par l’ancien gouvernement conservateur qui force les exploitants de lieux à naviguer dans des dédales législatifs qui visaient à dissuader les intervenants à offrir de tels services, selon eux.

Le président du centre de santé montréalais qui serait le premier à instaurer un site d’injection supervisée légal dans la métropole, n’a «aucun doute» que la nouvelle ministre de la Santé, Jane Philpott, donnera son aval au projet après des mois de «paralysie» avec les conservateurs.

Louis Letellier de St-Just croit que le plan pour implanter des sites à trois endroits stables, en plus d’un centre mobile, sera sans doute approuvé rapidement et il pourrait même être en marche dès l’automne prochain.

Ce changement de ton réjouit M. Letellier de St-Just, dont le centre communautaire Cactus Montréal travaille avec les toxicomanes et les travailleurs du sexe depuis des dizaines d’années.

Un porte-parole de la Ville de Montréal a indiqué que le maire Denis Coderre s’attendait également à une réponse positive du gouvernement de Justin Trudeau sur ce dossier.

Santé Canada a refusé de commenter sur la demande d’autorisation de Montréal, mais la plateforme électorale des libéraux énonçait clairement qu’ils soutenaient l’implantation de tels centres puisqu’ils «diminuent le risque de décès et de maladies pour ceux qui vivent avec la dépendance et des maladies mentales, réduisent les crimes et protègent la santé publique et la sécurité.»

Actuellement, Vancouver est la seule ville au Canada où les utilisateurs de drogues injectables peuvent s’injecter des substances illégales sous la supervision d’infirmières et d’autres professionnels de la santé.

Les défenseurs de ces centres affirment qu’ils offrent un environnement sécuritaire et sanitaire pour les toxicomanes, qui peuvent en même temps être redirigés vers des programmes de traitements.

Ceux qui s’y opposent soutiennent que les sites encouragent la consommation de drogues et attirent les toxicomanes. Ils estiment que le gouvernement ne devrait pas subventionner des endroits où l’on consomme des substances illégales.

Le gouvernement conservateur souscrivait à cette vision et il avait tenté par tous les moyens de fermer le site de Vancouver, Insite, qui a finalement été maintenu après un jugement de la Cour suprême en 2011. Le plus haut tribunal du pays a statué que le gouvernement ne pouvait pas refuser d’offrir des services de santé à des toxicomanes du quartier Downtown Eastside.

En réaction au jugement, les conservateurs avaient adopté une loi en juin qui rend «pratiquement impossible» l’ouverture de nouveaux sites, selon Anna Marie D’Angelo, du site Insite.

Les villes qui veulent ouvrir de tels centres ont besoin de l’approbation du gouvernement fédéral puisqu’ils nécessitent une dérogation à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

La loi des conservateurs — connue sous le nom C-2 — oblige les prochains exploitants de sites à fournir au gouvernement une pléthore de statistiques sur le quartier où le centre ouvrirait. Ils devraient aussi remettre une vérification des antécédents criminels des futurs employés et un compte-rendu sur l’opposition potentielle au projet dans le quartier.

«Compiler toutes ces statistiques années après années est très onéreux. Nous ne croyons pas que cela peut être fait facilement pour un nouveau centre», a déploré Mme D’Angelo.

Donald MacPherson, professeur à l’université Simon Fraser et directeur de la Coalition canadienne des politiques sur les drogues a rappelé que, par le passé, des exemptions à la loi étaient accordées pour «faciliter l’innovation et les soins de santé».

«Mais la loi C-2 n’est pas vraiment dans cette veine, elle place des obstacles devant les gens», a-t-il analysé, appelant du coup les libéraux à «l’abroger ou l’altérer radicalement».

Ce ne sont pas tous les travailleurs du domaine de la santé qui sont en faveur de tels centres, toutefois. Seychelle Harding, porte-parole du centre de dépendance Portage de Montréal, a expliqué que son organisation n’était pas nécessairement contre ces sites, mais elle considère que les fonds publics devraient surtout être investis dans les programmes de désintoxication.

Les sites d’injection supervisée peuvent bénéficier à de «petit groupes très marginalisés» qui sont résistants aux traitements, a-t-elle expliqué. Mais elle reconnaît qu’ils peuvent aider à diminuer la transmission du VIH et d’autres infections.

Selon Mme Harding, ces centres constituent une mesure de sécurité publique, mais ils ne remplacent pas pour autant les traitements et la réhabilitation.

«Tout ce qui peut sauver des vies et limiter la propagation des infections est une bonne chose. C’est clair que nous ne voulons pas que les fonds réservés aux traitement soient réduits», a-t-elle conclu.

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