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La SQ a ciblé six journalistes

Jacques Boissinot / La Presse Canadienne Photo: Jacques Boissinot
Alexandre Robillard, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

QUÉBEC — La Sûreté du Québec a confirmé, mercredi, qu’elle a enquêté sur les activités de six journalistes il y a trois ans.

Le capitaine Guy Lapointe a affirmé que l’enquête portait sur la révélation de contenu d’écoutes électroniques.

M. Lapointe a expliqué que la SQ a déclenché cette enquête à la suite d’allégations que des journalistes ou d’autres personnes avaient divulgué de telles informations.

Le directeur général de la SQ, Martin Prud’homme, en poste depuis deux ans, a obtenu ces informations concernant un seul dossier au cours des 20 dernières années, a indiqué le porte-parole.

Selon M. Lapointe, la SQ a obtenu une ordonnance en 2013 pour consulter les registres d’appels entrants et sortants de six journalistes.

Cette procédure ne prévoyait aucune écoute électronique ni surveillance par géolocalisation des personnes visées, que la SQ n’a pas voulu identifier, mercredi.

Par ailleurs, M. Prud’homme a réclamé mercredi au ministère de la Sécurité publique qu’une enquête soit effectuée par «un tiers indépendant» afin d’examiner le recours à cette méthode dans le cas de journalistes.

M. Lapointe n’a pas précisé si ce mandat devrait être confié au Bureau des enquêtes indépendantes, comme le réclame le Parti québécois depuis des révélations qui concernent la police montréalaise cette semaine.

«Il va appartenir au ministère de la Sécurité publique de décider à quelle entité cette enquête sera confiée, a-t-il dit. Notre demande est que ce soit confié à un organisme indépendant de la Sûreté du Québec.»

Les journalistes de Radio-Canada Marie-Maude Denis, Isabelle Richer et Alain Gravel sont parmi les cibles de la SQ, tout comme Denis Lessard, de La Presse, et Éric Thibault, du Journal de Montréal.

Le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, a affirmé qu’il n’est pas nécessaire de mandater le Bureau d’enquêtes indépendantes, des mesures annoncées par le gouvernement mardi étant suffisantes.

«Le BEI, son rôle, c’est de faire des enquêtes de nature criminelle, portant sur des individus, a-t-il dit. Pas quelles sont les pratiques d’un corps policier.»

M. Coiteux a noté que l’enquête de la SQ sur des fuites avait été décidée à la suite d’un appel d’un ministre de la Sécurité publique péquiste.

«C’est un cas particulier, où le président de la FTQ d’alors communiquait avec le ministre de la Sécurité publique d’alors, le matin, pour demander qu’une enquête soit faite sur des fuites, a-t-il dit. Et cette enquête était déclenchée la soirée même.»

Le député péquiste Stéphane Bergeron, qui était ministre de la Sécurité publique au moment de l’enquête, s’est défendu d’avoir demandé que les journalistes soient ciblés pour connaître l’origine de fuites de renseignements policiers dans les médias.

«C’est une initiative que je n’ai évidemment pas demandée, et c’est une initiative que je n’aurais jamais autorisée, et c’est une initiative dont je n’ai jamais été informé avant il y a quelques instants», a-t-il dit.

M. Bergeron a cependant reconnu qu’il avait contacté le directeur général de la SQ, Mario Laprise, à la suite d’une «conjonction» de faits, dont une lettre de l’ex-président de la Fédération des travailleurs du Québec, Michel Arsenault, se plaignant de fuites concernant des écoutes électroniques le visant.

Selon le péquiste, sa motivation était notamment d’expliquer comment l’ex-ministre Raymond Bachand avait pu informer M. Arsenault qu’il faisait lui-même l’objet d’une enquête policière.

«Je ne vous dis pas que ça ne me préoccupait pas, a-t-il dit. Manifestement, il y avait une source à l’interne qui dévoilait de l’information à un point tel qu’un ministre libéral en avait été informé.»

Le chef péquiste Jean-François Lisée a déclaré que l’ajout de la SQ au cas du SPVM devrait obliger le gouvernement à faire plus que mandater un groupe d’experts et une vérification interne menée par la Sécurité publique.

«Il ne serait pas impossible qu’on apprenne demain qu’un autre corps de police a fait la même chose, on est dans le déballage cette semaine, a-t-il dit. Tant mieux, si on va au fond de l’affaire, mais clairement, ce n’est pas ce que le premier ministre a annoncé qui va nous permettre d’aller au fond de l’affaire.»

Le député caquiste Simon Jolin-Barrette a réclamé pour sa part qu’une enquête publique soit mandatée pour faire la lumière sur ces faits.

«C’est extrêmement préoccupant, a-t-il dit. Présentement, ce qu’on a, ce sont des allégations. Il faut vérifier les faits, mais pour faire toute la lumière là-dessus. L’enquête publique serait en mesure de le faire avec deux commissaires complètement indépendants.»

En matinée, le premier ministre Philippe Couillard a soutenu que le comité d’experts qu’il souhaite mandater aura toute l’indépendance nécessaire.

«Ce groupe d’experts, présidé par un membre respecté de la magistrature, va, de toute évidence, agir de façon indépendante, a-t-il dit en chambre. Son rapport, bien sûr, aura été libéré de renseignements nominatifs ou pouvant entrer en conflit avec des procédures en cours, mais sera déposé à la Commission des institutions de cette Assemblée nationale.»

Par ailleurs, à Montréal, le quotidien La Presse, dont l’un des journalistes a été surveillé par le SPVM, a mis en demeure les policiers montréalais de ne pas utiliser les données recueillies cette année de cette façon.

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