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Élu, le PQ abandonnerait le REM

Jean-François Lisée Photo: Josie Desmarais/Métro
Pierre Saint-Arnaud, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Le Parti québécois (PQ) propose l’abandon pur et simple du Réseau express métropolitain (REM) pour réorienter l’argent vers un vaste réseau de bus rapides, de tramways et une bonification majeure des services de trains de banlieue pour desservir l’ensemble de la grande région métropolitaine.

«Les Québécois ont tellement été habitués à ne pas être ambitieux qu’ils se demandent s’ils ont le droit de le faire», a déclaré le chef péquiste Jean-François Lisée, mardi, en présentant «le grand déblocage», comme on a décidé de baptiser le plan, qui vise à résoudre le problème de congestion dans la région métropolitaine.

M. Lisée a évoqué un «état d’esprit» qui règne en matière de transport en commun au Québec qui freine l’ambition et l’efficacité «sauf pour le REM; merci au REM d’avoir démontré qu’on peut faire quelque chose d’ambitieux rapidement», a-t-il lancé, reconnaissant du même coup au projet de train électrique de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) tout le mérite qui lui revient. Il dénonce toutefois sa portée trop restreinte pour les besoins de Montréal.

L’ambitieux plan de transport en commun prévoit neuf circuits de bus rapide dans l’Est et l’Ouest de Montréal, sur la Rive-Sud et sur la couronne Nord, cinq lignes de tramways électriques dont quatre sur l’île desservant le secteur de l’hippodrome, l’aéroport international Montréal-Trudeau, l’Est de Montréal jusqu’à son extrémité et le boulevard Saint-Laurent.

Le cinquième service est un tram-express sur la Rive-Sud qui occuperait la voie réservée du pont Champlain, mais qui desservirait également le boulevard Taschereau et se rendrait jusqu’à l’aéroport de Saint-Hubert dans une direction et jusqu’à Saint-Constant dans l’autre. Un des services de bus rapide assurerait la liaison de là à Châteauguay.

Quant aux trains, le plan du PQ prévoit des ajouts de gares et de départs sur la quasi-totalité des lignes et une desserte plus éloignée pour quatre d’entre eux, soit jusqu’à Saint-Hyacinthe pour le train de Saint-Hilaire, jusqu’à Saint-Jean-sur-Richelieu pour le train de Candiac, jusqu’à Joliette pour le train de l’Est et le train de l’Ouest se rendrait à Coteau-du-Lac.

Le Parti québécois soutient que tout ce plan peut être réalisé pour le même prix que le REM, soit 7,4 milliards $.

Il mise sur une participation de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) à la même hauteur que pour le REM, soit 3 milliards $, à défaut de quoi il estime être en mesure de dégager les sommes équivalentes avec la réduction des paiements de la dette, un financement plus élevé d’Ottawa et le Fonds vert.

Bénéfices et victoire péquiste

En présentant cet ambitieux plan, Jean-François Lisée ne s’est pas caché de vouloir en faire un argument électoral. «C’est un des pans extrêmement importants du chemin des victoires», a-t-il déclaré à cet effet.

Il fait valoir que ce plan dans son ensemble permettrait le retrait 133 000 voitures de la route dans la région métropolitaine d’ici 2025, soit près de 80 fois plus que les 1700 dans le cas du REM, et que le grand déblocage permettra près de 510 000 déplacements, soit quatre fois plus que le REM, dont l’écrasante majorité seront électrifiés.

D’après les estimations du PQ, cela signifiera une réduction d’environ 10 pour cent du nombre d’automobiles, d’où le concept de grand déblocage.

Mais surtout, ce transfert de clientèle de la voiture solo vers le transport en commun, selon les calculs du PQ, permettra une réduction des émissions de gaz à effet de serre d’environ 280 000 tonnes, soit huit fois plus que le projet de la CDPQ.

«Irresponsable»

Une inconnue importante demeure, toutefois: le coût d’annulation des contrats déjà engagés par la Caisse qui est confidentiel.

Jean-François Lisée reconnaît que cette inconnue pèse lourd, mais il affirme avoir obtenu l’assurance de la direction de la Caisse qu’aucun des contrats n’a été signé pour la totalité des commandes et que le risque est limité. Quoi qu’il en soit, il promet «une vérification diligente» des pénalités associées à un retrait.

«Si cette somme est raisonnable, c’est l’État québécois qui va l’assumer, pas les utilisateurs», a-t-il assuré.

Cette inconnue a fait bondir tant les libéraux que les caquistes à l’Assemblée nationale.

«C’est très irresponsable», a lancé le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, évoquant immédiatement «les pénalités qui seraient rattachées à l’annulation du REM».

Le ministre des Transports, André Fortin, semblait avoir reçu les mêmes lignes de presse.

«Honnêtement, ça m’apparaît complètement irresponsable», a-t-il dit, allant jusqu’à évoquer l’ex-premier ministre conservateur de l’Ontario. «La dernière fois qu’on a fait ça au Canada, c’est Mike Harris qui n’aimait pas le plan de développement de transport en commun de son prédécesseur. Il s’est mis à remplir des stations de métro qui avaient déjà été amorcées», a déclaré le ministre à plus d’une reprise.

Accueil mitigé des environnementalistes

Le plan a pris les organisations environnementalistes par surprise et la réaction variait d’une à l’autre.

Ainsi, le président de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), André Bélisle, n’avait que de bons mots pour le projet du Parti québécois. «On a une vision, on a de l’audace et on répond aux vrais problèmes», a-t-il confié, critiquant le fait que le REM n’avait rien à offrir aux résidants de l’Est de Montréal et des couronnes Nord et Sud.

Mais surtout, M. Bélisle en avait contre l’impact environnemental minime du projet de la Caisse. «Le REM n’amenait à peu près pas de réduction de gaz à effet de serre pour beaucoup d’argent. Là, on a beaucoup plus de réduction et beaucoup plus de véhicules qu’on dégage de la voie», s’est-il réjoui, disant espérer que d’autres partis récupéreraient ce plan «parce que c’est la meilleure idée qu’on a sur la table».

À l’opposé, le directeur principal d’Équiterre, Steven Guilbeault, dont l’organisme appuie le REM, s’est dit d’accord avec les projets avancés par le PQ, mais pas au prix proposé. «Ces idées-là sont intéressantes, mais ne justifient pas le fait de dire non au REM», a-t-il avancé, affirmant que «le Réseau express métropolitain est un bon projet (…) qui doit aller de l’avant».

Il ne s’est d’ailleurs pas gêné pour exprimer sa crainte d’un déraillement, alors que le projet de REM est déjà très avancé. «On dit souvent  »un tien vaut mieux que deux tu l’auras »», faisant valoir qu’il fallait aller de l’avant quitte à ajouter les autres projets par la suite.

Le directeur général de la Fondation Suzuki au Québec, Karel Mayrand, allait plus loin, affirmant que les idées du «grand déblocage» devraient tout simplement être ajoutées au REM.

Selon lui, l’argent consacré au REM ne grève aucunement les possibilités d’investir des sommes additionnelles pour réaliser d’autres projets de transport collectif. Faisant valoir que le projet de la Caisse est vu davantage comme un investissement et une participation financière des pouvoirs publics, il a dit croire que les fonds d’infrastructures destinés au transport collectif demeurent donc disponibles.

Selon M. Mayrand, il n’y a que des éléments positifs dans le fait «de voir les formations politiques se livrer en ce moment à une surenchère très saine sur les projets de transport collectif», ce qu’il interprète comme «un changement de culture» chez les partis.

Syndicat et ex-PDG

Le président de la section québécoise du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), Denis Bolduc, s’est pour sa part vivement réjoui de la proposition du Parti québécois.

Le SCFP s’était objecté au premier jour de la présentation du projet de REM, craignant d’abord et avant tout pour les emplois de ses membres chauffeurs d’autobus qui traversent le pont Champlain aux heures de pointe et dont les emplois doivent disparaître avec l’implantation d’un train électrique automatisé.

Mardi matin, il s’est toutefois défendu de baser l’opposition du SCFP sur l’intérêt de ses membres, affirmant plutôt que cette opposition reposait sur le fait que le REM n’était pas «un projet structurant pour le transport en commun sur l’île de Montréal, ses couronnes Nord et Sud».

Selon le syndicaliste, il n’y a «aucune comparaison possible» entre le REM et ce que peut offrir le projet du PQ pour l’ensemble des citoyens de Montréal et de ses couronnes.

L’ex-président et directrice générale de la défunte Agence métropolitaine de transport (AMT) Florence Junca-Adenot a applaudi au projet, estimant que ce «plan majeur de développement des transports collectifs» aurait un «impact majeur sur la région, ce que le REM ne peut pas faire».

Contrairement à certains environnementalistes, Mme Junca-Adenot, qui est aujourd’hui professeure d’urbanisme à l’UQAM et experte en transport en commun, estime qu’il serait très difficile de trouver l’argent additionnel requis pour aller de l’avant avec les projets du Parti québécois une fois les 7,4 milliards $ utilisés pour le REM.

«C’est un pensez-y-bien, a-t-elle dit à l’issue de la présentation du chef péquiste. Le plan est réaliste et possible», a ajouté Mme Junca-Adenot, notant qu’il «ressemble étrangement» à des projets déjà présentés et au plan stratégique de l’AMT, qui a été remplacée par l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM).

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