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Manon Massé: «On sait de quoi on parle»

Photo: Josie Desmarais

Dix ans après avoir fait élire son premier député, Québec solidaire fait encore face à des détracteurs qui avancent que ce parti de «pelleteux de nuages» «dépense de l’argent de Monopoly». La co-porte-parole de la formation politique, Manon Massé, demeure calme devant ces attaques. «Ça leur appartient. Notre job, c’est de démontrer qu’on sait de quoi on parle», assure-t-elle. Quatrième, et dernière, de notre série d’entrevues avec les leaders des principaux partis.

Dans le transport, vous proposez de mettre fin au développement autoroutier, de mettre des péages sur les ponts, de pénaliser les propriétaires de véhicules à essence, de réduire de moitié les tarifs du transport en commun et d’ajouter 38 stations de métro dans la région de Montréal. Dans quel ordre vous prévoyez réaliser ces projets et surtout, dans quel délai?
L’enjeu environnemental est le plus important parce que la dette écologique est plus importante que n’importe quoi. On veut laisser une planète à ceux qui nous suivent. Tout ce qu’on a proposé, c’est entre maintenant et 2030. Dans notre premier mandat, on enclenche le Grand Montréal express. Est-ce que les 38 stations seront construites? Non, mais les bureaux de projet seront là. On va un peu plus loin en mettant des liens est-ouest, comme le tram-train sur Notre-Dame, ou comme à Laval, où une étude d’un lien est-ouest [sera réalisée]. En 2030, on aura fait sur l’ensemble du territoire québécois 12,6G$ d’investissements. Cet argent, on n’a pas besoin de l’emprunter, on l’a déjà. Il se trouve dans le Fonds des générations.

Qu’est-ce qui en est des mesures touchant les automobilistes?
Dans un premier mandat, Québec solidaire ne mettra pas de péages. Il faut offrir des choix aux gens avant de [pénaliser] l’auto solo. Dans un premier mandat, il y a seulement l’imposition de taxes aux stationnements hors rue. Ça a un prix parce que [ces stationnements] encouragent l’auto solo. Ça arrivera à la fin d’un premier mandat.

Ensuite, on a des étapes pour l’électrification complète des voitures. En 2030, il n’y a que des voitures hybrides et électriques dans les concessionnaires. En 2040, il n’y a que des voitures électriques chez les concessionnaires. En 2050, il n’y a plus de voitures à essence sur nos routes. Parallèlement à ça, on n’abandonne pas le monde, on remet sur pied le programme Faites de l’air qui compense le retrait des vieux véhicules. C’est souvent les gens les plus démunis qui toughent leur char le plus longtemps possible.

Que pensez-vous du projet de monorail entre Montréal et Québec?
On a regardé le monorail. On a regardé le train à grande fréquence. Ce qu’on s’engage à faire, dans un premier mandat, c’est de mettre sur pied un bureau de projet pour un lien haute vitesse entre Québec et Montréal. Mais notre objectif pour 2050, c’est que le réseau se rende dans les villes importantes. Je ne garantis pas que ce lien se rendra jusqu’à Ungava…

Comment entrevoyez-vous les relations entre un gouvernement solidaire et la Ville de Montréal, qui a désormais un nouveau statut avec la Loi sur la métropole?
Nous devons absolument décentraliser les pouvoirs, et pas juste les responsabilités. Pour notre premier mandat, ce que les municipalités veulent, c’est un transfert de 1% de la TVQ. On dit qu’il n’y a pas de trouble, mais on le transfère en fonction de quoi?

«On va travailler avec les municipalités, les acteurs sociaux, les citoyens, pour réinventer la fiscalité des municipalités parce qu’elles jouent un rôle important.» – Manon Massé

La Coalition avenir Québec veut réduire le nombre d’élus à Montréal. Qu’en pensez-vous?
On ne pense pas comme ça. La démocratie, ce n’est pas un problème, et avoir des représentants, ce n’en est pas un non plus. Est-ce qu’il n’y a pas des choses à revoir? Oui, mais il faut que ça se fasse avec les personnes concernées. Une chose dont je suis convaincue et qui n’a pas de bon sens dans mon comté, c’est qu’il n’y ait pas de maire d’arrondissement élu [NDLR : le maire de Montréal est automatique nommé maire de Ville-Marie.] C’est un élément. Est-ce qu’on pourrait en revoir d’autres? Il n’y a pas de fermeture, mais ce n’est pas une priorité.

Québec solidaire est en faveur d’une meilleure gestion des matières résiduelles. La mairesse de Montréal, Valérie Plante, soulignait qu’il faut revoir le système de revalorisation. Que lui proposez-vous?
Ça ne se fait pas avec un coup de baguette. On veut revoir le système de récupération, ce qui inclut la consigne, et du recyclage. On n’a pas vraiment d’industrie du recyclage ou celle que l’on a est obligée d’acheter son verre aux États-Unis parce que celui d’ici est contaminé. On veut prendre le virage qualité. On veut bien sûr revoir les contenants à usage unique. Qu’est-ce qui fait qu’on a autant de plastique? Je ne sais plus combien il y a de milliards de bouteilles d’eau ! On veut être conséquent.

Les villes réclament le tiers des revenus liés à la vente du cannabis. Quelle est la position de QS à ce sujet?
Je ne pense pas qu’on a une position ferme. Pour moi, c’est sûr que c’est nécessaire. Les municipalités ont la responsabilité et elles doivent avoir du soutien. Je le vois dans mon comté, il y a deux sites d’injection supervisée.

Le débat identitaire perdure depuis plus de 10 ans au Québec. Comment proposez-vous d’y mettre fin?
Pour nous, le compromis de Bouchard-Taylor tient encore la route. Ce qu’il faut, c’est du courage politique et ne pas utiliser les nouveaux arrivants pour de mauvaises raisons, pour pouvoir passer à autre chose. Et il faut le faire le plus rapidement possible avant que ça dérape encore.

Pour ce qui est de l’environnement, vous proposez la fin de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures au Québec pour miser sur la filière du lithium. Dans quel ordre et quel délai pensez-vous réaliser ces projets?
Première étape, on met fin aux projets d’hydrocarbures. Le Québec n’est pas un État pétrolier. Pourquoi on commencerait? On arrête ça. On exige que la Caisse de dépôt et placement désinvestisse des hydrocarbures dans un délai de quatre ans. Elle investit énormément d’argent dans le pétrole de l’Alberta. C’est dégueulasse. Tout ça dans un premier mandat, tout comme la prise de contrôle de la filière du lithium. On a déjà une industrie de batterie. On va l’élargir. Il y a de la place. On va recycler. Une batterie qui a servi dans une voiture peut servir à autre chose après. On va recycler jusqu’à aller récupérer le lithium pour le réutiliser.

Votre projet d’assurance dentaire coûterait annuellement 950M$. Pour améliorer la santé bucco-dentaire des Québécois, le gouvernement pourrait miser sur la fluoration de l’eau ou même accorder une plus grande autonomie aux hygiénistes dentaires. Ne faudrait-il pas envisager ces solutions moins coûteuse avant de mettre en place une assurance dentaire?
La première chose qu’il faut faire, c’est revoir la Code des professions pour donner de l’autonomie aux hygiénistes. La fluoration pourrait avoir des bénéfices pour les dents [des Québécois]. On n’est pas contre, mais il y a des recherches à finaliser parce qu’il n’y a pas seulement les humains qui vivent sur la Terre. Il faut le faire en cohérence avec la biodiversité.

En fin d’entretien, Métro a posé quelques questions en rafale à Manon Massé.

Que lisez-vous en ce moment?
Tout ce qui touche à la campagne.

Votre plaque d’immatriculation personnalisée?
Je n’ai pas de voiture.

Un spectacle d’un artiste québécois que vous avez vu cette année?
Donzelle, un groupe féministe hip-hop.

À quel organisme de charité avez-vous fait votre dernier don?
L’Atelier des lettres.

À quelle demande de l’administration de Valérie Plante êtes-vous prête à répondre positivement?
La ligne rose.

Que faites-vous le 17 octobre (jour de la légalisation du cannabis)?
Pour moi, c’est la Journée internationale de lutte à la pauvreté.

Avec lequel de vos adversaires seriez-vous prête à aller prendre une bière?
François Legault.

 

Nos entrevues avec les leaders des principaux partis:

Philippe Couillard: «Plus de pouvoirs à Montréal»

François Legault: «Si on veut que le Québec aille bien, il faut que Montréal aille bien»

Jean-François Lisée: «Le REM, c’est le Mirabel de 2018»

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