Soutenez

A Series of Unfortunate Events: une série chanceuse

A Series Of Unfortunate Events Photo: Joe Lederer/Netflix

Bien de l’eau a coulé sous les ponts depuis la mise en ligne, pour les usagers, de la toute première production originale de Netflix. Vous vous en souvenez? C’était le 1er février 2013. La saison 1 de la version américaine de House of Cards a déferlé dans son intégralité dans la télé des abonnés. Ça semble si loin et, pourtant, c’était hier. Aujourd’hui, le géant du contenu enchaîne les séries à grand déploiement. La dernière en date, A Series of Unfortunate Events, reflète les ambitions (et les moyens…) de la compagnie de webdiffusion qui a bousculé les règles du jeu. Petit tour dans les coulisses de la nouvelle immense création de l’entreprise, à Vancouver.

A Series of Unfortunate Events, c’est une série à la fois tragique et drolatique. Destinée aux enfants, mais s’adressant aussi clairement à leurs aînés. C’est surtout une œuvre peaufinée non seulement sur le plan du jeu, du ton et de la mise en scène, mais également sur celui du look. Tout y est calibré au quart de tour. À commencer par la direction photo du Québécois Bernard Couture, qui a, entre autres, collaboré avec Podz sur Les 7 jours du talion, 10 1/2 et L’affaire Dumont. Puis, les décors de Bo Welch (qui a également réalisé deux épisodes). Un artiste connu notamment pour son travail avec Tim Burton. (Les univers de Beetlejuice, de Batman Returns et de Edward Scissorhands, c’est lui. Oh oui.)

C’est peut-être d’ailleurs ce qui fait la réussite de l’ensemble : l’alliage parfait de la forme et du fond, du visuel et du texte, qui a été employé pour adapter les livres jeunesse de Lemony Snicket (de son vrai nom Daniel Handler). Une suite de romans qui relatent Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire.

Ces Désastreuses aventures, ce sont celles vécues par trois enfants malchanceux. Terriblement malchanceux. Au fil des épisodes, une succession d’épreuves, toutes plus horribles les unes que les autres, leur tomberont dessus. En commençant par la mort soudaine de leurs parents dans un incendie louche. Une tragédie après laquelle le psychopathique Comte Olaf les prendra sous son aile. Mais au lieu de leur offrir un peu d’empathie et de réconfort, cet homme tentera de… les assassiner et de s’emparer de leur héritage. Sympathique.

C’est à Vancouver que s’est déroulé le tournage de cet artistique projet mettant en vedette Neil Patrick Harris dans le rôle du vilain. Choix parfait.

«Le titre le dit : cette série possède un côté sombre et déprimant, note Bo Welch lorsque nous le rencontrons sur le plateau. Mais c’est à ce point sombre et déprimant que ça
en devient absurdement drôle.»

Paquet de croquis sous le bras, le chef décorateur ajoute que le ton de cette histoire est également «si unique et inhabituel» qu’il fallait «avoir un grand contrôle sur la façon dont elle allait être racontée».

Pour ce faire, l’équipe a «pris la décision de ne pas tourner à l’extérieur». Ou très peu. La plupart des décors ont ainsi été construits sur place. Dans le grand entrepôt dont on fait le tour, les ouvriers s’affairent à bâtir une bibliothèque. Le temps de quelques prises opposant le despotique Comte Olaf (Neil Patrick Harris, donc) et deux des orphelins Baudelaire (incarnés par les jeunes Malina Weissman et Louis Hynes), on nous entraîne dans un labyrinthe floral géant. Un serpent immense, fait d’herbe toute verte, s’élève entre les passages sans issue. Impressionnant.

«Un de mes grands plaisirs a été de retravailler avec Joan Cusack, que j’avais déjà dirigé dans Addams Family Values. Elle joue dans les deux premiers épisodes que j’ai réalisés. Nous avons passé notre temps à nous rappeler à quel point nous sommes nettement plus heureux maintenant que nous sommes vieux!» -Barry Sonnenfeld, producteur exécutif, réalisateur de quatre épisodes, et showrunner de la série.

«Pour les premières scènes du premier épisode, on a construit des rails de tramway, une plage, tout. Nous avons intentionnellement opté pour une palette de couleurs limitée, du brouillard et un éclairage qui correspondent à l’ambiance du récit que nous présentons», explique avec passion Bo.

Il confie aussi que, sur le plan des décors, il a délibérément choisi de ne pas inscrire le tout dans une époque précise. Est-ce que cette idée lui a été inspirée par ses expériences de travail passées avec Tim Burton? Après un bref moment de réflexion, il hoche la tête et en convient : un peu, oui. «Dans Edward Scissorhands, par exemple, on ne peut pas dire en quelle année on se trouve, ni à quel endroit. Et c’est la même chose ici. Tim Burton raconte des histoires intemporelles. Et la nôtre l’est aussi, intemporelle.»

Parlant de «raconter des histoires», les cataclysmiques aventures sont relatées par un narrateur très particulier. À savoir Lemony Snicket, le double de l’auteur. Incarné au petit écran par Patrick Warburton, élégant acteur de 52 ans à l’humour pince-sans-rire. Tout au long de la saison, ce dernier prend un ton volontairement funeste et désespéré pour énoncer certaines choses, dont la suivante : «Mon nom est Lemony Snicket et je suis désolé de vous apprendre que le supposé divertissement que vous vous apprêtez à regarder sera extrêmement déplaisant.» Ou encore : «Si vous aimez les histoires avec une fin heureuse, vous seriez mieux de regarder autre chose. Non seulement cette histoire n’a pas de fin heureuse, mais elle ne possède pas non plus une introduction hop-la-vie. Et très peu de choses joyeuses arrivent en son milieu.»

Le morose narrateur emploie d’ailleurs souvent des termes comme «calamité», «mélancolie», «épouvantable», «affreux», «atroce». On comprend qu’il voit la vie d’un œil pour le moins dramatique. Mais, du point de vue de l’acteur qui devait l’interpréter, qui est Lemony Snicket? D’un air grave, Patrick Warburton répond : «C’est un biographe, un investigateur, un accordéoniste. C’est un paradoxe. Et pourtant, il n’y a rien de paradoxal en lui. C’est une énigme, qui ne comporte pour autant rien d’énigmatique. C’est un homme dévasté. Son cœur est brisé. Et il raconte l’histoire la plus triste qui ait jamais été racontée.»

Mais c’est aussi cette tristesse, cette lourdeur, cette gravité poussée à l’extrême qui rend la série si diablement comique, estime le comédien. Une opinion que partage le maître du navire, ou showrunner, comme on dit, Barry Sonnenfeld. Barry-la-tornade – connu pour avoir signé les trois volets de Men in Black et les deux volets de Addams Family – agit également comme réalisateur de quatre épisodes et producteur exécutif des ténébreuses péripéties des orphelins Baudelaire. Une entreprise qui le ravit.

«Ça fait longtemps que je suis en amour avec cette histoire! Depuis que j’ai lu les livres à ma fille, en fait! s’exclame-t-il. Ce qui me plaît tant, c’est leur propos. Car ce que ces bouquins disent, en somme, c’est que tous les adultes sont nuls. Soit ils veulent faire le bien, mais en sont incapables, car ils sont trop gauches, soit ils sont vilains et méchants. Tout simplement. Dans ces romans, ce sont seulement les enfants qui sont compétents et fantastiques. Et les grands merdent tous. Je trouve ça génial.»

Génial en effet. Mais juste une petite question : que pense M. Sonnefeld du fait que «le livre soit toujours meilleur que l’adaptation à l’écran»? Fatalité? La réponse ne se fait pas attendre : «Non! C’est faux! Le livre est toujours différent! Pas meilleur, pas pire. DIFFÉRENT.» Soit.

A Series of Unfortunate Events
Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire, en v.f.
Sur Netflix

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.