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Bully: briser le silence

Photo: Alliance

Le documentaire Bully a fait couler beaucoup d’encre avant même sa sortie en raison du classement qu’on devrait lui attribuer. Au Québec, il a finalement été décidé que le film pourrait être vu par un public général. Une décision qui réjouit Lee Hirsch, qui signe ce portrait de jeunes Américains victimes d’intimidation à l’école et de leurs familles. Métro s’est entretenu avec le réalisateur.

Il aura fallu près de 10 ans de réflexion à Lee Hirsch pour se décider à faire un film sur l’intimidation dans les écoles. «C’est un projet que j’ai rangé dans mes tiroirs, puis ressorti, puis rangé, jusqu’au jour où j’ai été prêt à le faire», explique Lee Hirsch, qui a lui-même connu l’intimidation lorsqu’il était plus jeune.

Bully arrive sur nos écrans à un moment où l’intimidation est un sujet chaud au Québec ,notamment depuis le suicide de la jeune Marjorie Raymond. «Il y a un aspect excitant dans le fait de sortir le film à un moment où il est particulièrement pertinent… mais c’est aussi fort triste, étant donné que la raison de cette pertinence, c’est le nombre de tragédies terribles qui ont été causées par ce phénomène», rappelle le réalisateur, joint au téléphone.

Le documentaire se penche sur les histoires de cinq jeunes victimes d’intimidation. Alex, 12 ans, est un jeune garçon timide de l’Iowa qui subit quotidiennement, dans l’autobus scolaire, les insultes et les agressions physiques de ses camarades de classe. Kelby, 16 ans, vient de l’Oklahoma. Ayant récemment révélé son homosexualité, la jeune athlète s’est retrouvée ostracisée par une bonne partie de ses pairs, mais refuse de plier et de changer d’école. On suit aussi Ja’Meya, 14 ans, une jeune Noire discrète et effacée du Mississippi qui, à bout de nerfs à force de subir constamment les attaques verbales des autres élèves de son école, est arrivée un jour dans l’autobus scolaire armée du fusil de sa mère. Aucun coup n’a été tiré, mais la jeune femme a été placée en centre de détention juvénile.

On suit également les parents du jeune Tyler Long, 17 ans, et ceux de Ty Smally, 11 ans, deux jeunes s’étant suicidés après avoir subi trop longtemps les attaques de leurs camarades. «C’est en ayant accès à l’école d’Alex pour pouvoir y filmer qu’on a commencé à s’intéresser à son cas et à réaliser qu’il était victime de violence, explique Lee Hirsch. On a trouvé Kelby parce que sa mère avait écrit à Ellen DeGeneres dans l’espoir d’obtenir de l’aide. Quant aux autres, on a lu leurs histoires dans les journaux. Et tous ont immédiatement voulu faire partie du film. Je crois que c’était très significatif pour ces gens marginalisés que quelqu’un prenne le temps de raconter leur histoire.»

L’équipe de tournage ayant été présente à l’école pendant près d’un an, les enfants ont fini par arrêter de remarquer les caméras… et par retrouver leur façon naturelle d’agir. C’est ainsi que les caméras installées dans l’autobus scolaire ont pu capter des moments très troublants où le jeune garçon est victime d’attaques violentes, sans que le chauffeur ou quiconque n’intervienne. «Il y a des choses qu’on n’a découvertes qu’en arrivant en salle de montage, C’est là qu’on a réalisé tout ce que subissait Alex, parce que je n’avais pas accès au son, explique le réalisateur. À ce stade, c’est devenu évident qu’il fallait interrompre le tournage et faire comprendre la situation aux autorités scolaires.»

Même s’il a été témoin de scènes émotivement éprouvantes, Lee Hirsch croit qu’il est possible de changer les choses. Son film – notamment – est selon lui «un très simple, mais puissant appel à l’action». «Les gens, parents, élèves, enseignants, peuvent décider ce qu’ils veulent être face à l’intimidation, croit-il. Plusieurs enfants nous ont dit que le film leur avait donné le courage de se tenir debout, d’intervenir, de dénoncer. Je crois que chaque petit changement compte.»

Le cinéaste, qui est resté très proche de Kelby et d’Alex après le tournage, lance : «Ils sont fantastiques. Si vous voyiez Alex aujourd’hui, vous ne le reconnaîtriez pas. Il est ultra-confiant, il répond aux questions des gens, il rayonne tout simplement!»

Comme quoi, l’espoir n’est pas vain…

Pas pour les jeunes?
En entrevue, Lee Hirsch s’est dit ravi de la décision de la Régie du cinéma du Québec, qui aaccordé la cote «Général» à Bully, alors qu’aux États-Unis, la Motion Picture Association of America a décidé que les enfants de moins de 17 ans devraient être accompagnés d’un adulte pour voir le film, à cause de certains mots grossiers proférés par des intimidateurs.

«Aux États-Unis, on s’est battu pour que le film puisse être vu par tous. On ne comprend pas pourquoi un film comme Hunger Games, qui glorifie le meurtre d’adolescents et le rend sexy, est classé seulement “13 ans et plus”, alors que Bully ne peut être vu que par des gens de “17 ans et plus”. Ça n’a aucun sens.» j

Bully
En salle dès le 13 avril

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