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Léa Clermont-Dion décortique le mythe fatal de la beauté

Photo: Télé-Québec

Dans Beauté fatale, Léa Clermont-Dion met «ses tripes sur la table» et explore ses paradoxes, et les nôtres, par rapport à notre obsession de la beauté et la quête d’une prétendue perfection aussi inatteignable et uniforme qu’imposée.

«Je n’y échappe pas, moi non plus, au culte de l’image. Ça s’arrête où, notre obsession?» s’interroge Léa Clermont-Dion dès les premières images de ce documentaire en deux parties qui traite de l’image, justement, et de l’obsession maladive qu’elle cause, de ses ravages.

C’est alors qu’elle partageait un «très petit appartement de 400 pieds carrés» avec sa mère à Paris, où elle étudiait à l’Institut d’études politiques, que la chroniqueuse de 23 ans a eu l’idée de ce film. «Ma mère était récemment divorcée. Et je l’ai vue triste parce qu’elle était devenue, à un certain âge, invisible dans le regard des hommes. C’était la première fois de ma vie que je m’interrogeais sur cette date de péremption des femmes, que j’observais chez elle.»

Visant au départ «quelque chose de beaucoup plus impersonnel, qui ressemblait à une enquête», Léa Clermont-Dion a fini par être au cœur du film produit par Guillaume Lespérance. Non seulement elle rencontre des mannequins, consulte un chirurgien esthétique et discute avec des actrices de questions touchant à l’apparence, mais elle revient aussi sur son propre parcours et sur son combat contre l’anorexie.

«André [St-Pierre, le réalisateur] m’a dit: “Léa, il faut que t’acceptes de dévoiler tes vulnérabilités. Il faut que t’acceptes d’être ce que tu es vraiment; d’être sincère avec le public.” Et cette véracité-là fait en sorte que le film n’est pas tout à fait banal. Qu’il est très original, en fait. Et, finalement, très intime», remarque-t-elle.

Ainsi, on la suit, par exemple, alors qu’elle achète pour une somme astronomique des produits de beauté en compagnie d’une maquilleuse professionnelle, qui nous explique, entre autres, ce qu’est le phénomène du «contouring» («C’est comme une chirurgie qu’on enlève tous les soirs.») Plusieurs discussions se révèlent très intéressantes. Comme celle avec l’ancienne rédactrice en chef du Elle Québec Louise Dugas. Cette dernière aborde la question de la prédominance masculine dans les postes haut placés des magazines, qui fait en sorte que, dans les pages glacées, on a les photos qu’on a. Il y a aussi la rencontre avec Mitsou, qui s’est récemment confiée sur son rapport à la beauté et qui avoue: «Ça fait quand même 30 ans que j’espère ne plus avoir ce corps…»

Il y a surtout la mère de Léa Clermont-Dion, rebelle vivant dans les bois, refusant de porter du maquillage, qui parle sans détour à sa fille de «ses paradoxes» et du décalage «entre l’image qu’elle projette et son discours». «Tu veux plaire», lui lance-t-elle. Un face-à-face mère-fille qu’André St-Pierre a qualifié hier de «réunion-confrontation».

«Des messages [dans ce film], il y en a plusieurs, mais l’un des fondamentaux, c’est non à un modèle de beauté unique.» – Léa Clermont-Dion

À côté de ces réflexions émouvantes, d’autres «clashent» légèrement. On notera ce passage dans un club de nuit où un type, sur le plancher de danse, lance qu’il ne sortirait «jamais avec une fille laide» et qui, à la question «c’est quoi un beau gars dans la société?» répond: «Ben, c’est moi! Un gars comme moi!» Des réflexions qui en disent beaucoup plus long sur le caractère un peu loser, voire complètement nul de ce gars en particulier que sur l’obsession de l’apparence en général. Même chose pour ces jeunes femmes filmées dans les toilettes d’un bar qui soulignent qu’«une vraie fille, c’est quelque chose [sic] qui prend soin d’elle, qui va aller chez le coiffeur, qui va prendre soin de ses ongles, qui va prendre soin de ses orteils. Ça, c’est une vraie fille!» Ah.

Cela dit, du côté cinématographique, Beauté fatale est très soigné: ralentis, musique de boîte à jouets, segments de la protagoniste courant dans les rues du Village. Et puis ces images hantées dans le département des troubles de comportements alimentaires de Sainte-Justine, où Léa revient, pour une dernière fois, promet-elle, se souvenir «des filles fantômes» qui l’entouraient lorsqu’elle y a été hospitalisée.

Soulignons enfin que, sporadiquement, dans Beauté fatale, des chiffres s’affichent à l’écran. Comme ce pourcentage, tiré d’une étude du Fonds d’estime de soi Dove (vous avez sûrement vu la pub): «Seulement 4% des femmes se trouvent belles.» Un chiffre sur lequel Léa Clermont-Dion est revenue hier, après le visionnement. «Je veux juste nuancer cette statistique. Il y a un sondage qui est paru récemment, fait par Léger – je suis beaucoup les chiffres –, qui disait que 20% des femmes au Québec se sentent belles. Donc, ça se peut qu’au Québec, on se sente mieux [que ce que laissent entendre ces quatre pourcent-là].»

N’empêche, seulement 20%. C’est beaucoup. Trop peu.

Beauté fatale
À Télé-Québec
Les 9 et 10 décembre

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