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Alexandre Soublière: Une histoire de violence

Alexandre Soublière Photo: Métro/Yves Provencher

Dans Amanita virosa, qui arrive trois ans after Charlotte before Christ, l’auteur montréalais Alexandre Soublière explore un monde où les frontières tombent, où les biscuits chinois deviennent simplement des biscuits desserts et où son protagoniste, génie-pirate-espion-informatique passionné de destruction, s’abreuve à l’eau de pluie en se demandant: «C’est quoi une bonne personne?» «Je dois être une bonne personne.» «Je veux être une bonne personne.» «Maman, comment on fait pour être une bonne personne?»

Sa façon de travailler la langue a changé, mais c’est bien Alexandre Soublière, son rythme implacable, son univers qui ne pardonne pas, sa vision impérativement romantique de l’amour et son traitement aux références cinématographiques qui teinte chaque mot d’Amanita virosa. Les docus animaliers sont là. Le vocabulaire qui semble avoir mariné à la perfection aussi. «Fuck toi. Mèrefucker. Trench-manteau. Miam.»

Oui, d’accord, il est là… différemment. Le franglais de Charlotte before Christ a disparu, le Montréal hip n’est qu’une parcelle d’un tout immense, les bands de l’heure ne sont plus nommés aux trois secondes, mais se résument plutôt à un triste constat. «C’est quoi, tes groupes préférés? Songza et Shufflesongs.» Parce que le monde a changé, lui avec. Et puis, parce que l’auteur aujourd’hui trentenaire voulait faire «des clins d’œil pas mal», peut-être même des majeurs (le doigt, non l’adjectif) à la montagne de commentaires reçus post-son premier roman. Je parle juste aux jeunes? Laissez-moi vous balancer une véritable ode à la vieillesse. Je m’adresse aux Y? Voilà qu’en une phrase, je fais exploser le concept de séparation des générations. Je baigne dans le franglais? D’accord. Si j’écris «Je ne donne pas un fuck», ça vous va mieux?

Lui, en tout cas, semble aller merveilleusement bien lorsqu’on le retrouve dans un café du Plateau. Et ce, même s’il avoue que le processus d’écriture «a quand même été difficile. Éprouvant.» «Parce que ce n’était pas un exercice de sty… enfin oui, c’en était un, mais je voulais que ça vienne du cœur. Il fallait donc que je me mette dans un état d’esprit assez lourd. À un moment donné, j’avais besoin d’oxygène.»

«Ce roman, c’est un gamble. C’est mes tripes. À moi. Je sais que j’y suis allé très “radical”. C’est comme si Cronenberg faisait mon film préféré. Ce serait ça.»

Car ses héros, plongés, comme il dit, dans «une époque marquée par l’absence de codes moraux», ne sont pas heureux… ni cons (lien?). Tu as de l’affection pour les personnages tristes, Alexandre? «Oui, je trouve que ça leur donne une espèce de couleur.» Et les personnes tristes? «Je ne sais pas… c’est vrai que je m’entoure plutôt de gens tristes et cyniques dans la vie. C’est… naturel. Je me suis demandé pourquoi. Est-ce parce que moi, je suis comme ça? Je n’ai pas vraiment de réponse.»

Une autre question qui revient, au fil du roman celle-là, est lancée par moult personnages à Winchester, le protagoniste principal, superpirate informatique («mais pas superhéros»). «T’es qui, hein?» «Winchester, qui êtes-vous?» Alexandre Soublière aussi se l’est demandé. Ce type au premier abord dur et glacial, citoyen du monde interlope, qui «classe ses savons par ordre alphabétique», c’est QUI, au juste? «Je l’ai découvert pendant l’écriture. Au début, il était très froid. Chirurgical. Mathématicien. Je voulais que ce soit un espion. Beau et parfait. Mais… c’était plate!»

Il fallait faire craquer la façade de sniper. «La manière que j’ai trouvée, c’était de lui donner des doutes. Des faiblesses. Pour le rendre plus attachant.» Ainsi, ce trentenaire téméraire qui planque des caméras dans les maisons des célébrités (qu’il méprise) pour les capter dans leurs moments les plus intimes tente de comprendre «ce qu’est une âme». Et comme certains se sentent bien dans les chapelles, Win, lui, trouve la paix dans les hôpitaux. Il dit d’ailleurs «vouloir y prononcer ses vœux» si jamais il se marie. Allée d’église? Corridor de clinique. Pain du Christ? Pilules. État de grâce? Maladie. Apôtres? Infirmières. Lumière blanche? Lumière blanche.

Il entretient aussi un lien avec le passé. Pff, le passé. «Pas important!» estime sa cute flamme punk. «Capital!» martèle-t-il au contraire. Et Alexandre Soublière, il en pense quoi? Écrit-il pour marquer… le présent? Il secoue la tête vigoureusement. «Non. Non! Pour marquer le passé! C’est sûr que c’est de la fiction, mais il y a des phrases et des moments de vie tellement beaux que je me dis que si je ne les raconte pas pour les inscrire dans un certain contexte d’archives, ça va avoir servi à quoi dans le fond? Je sais que c’est artificiel, mais moi, ça me réconforte.» Comme cette remarque que lui a faite une amie, et qui s’est taillé une place significative dans son récit. À savoir, l’importance de dire «excuse-moi» plutôt que «je m’excuse». «C’est moins narcissique, confie-t-il. Moins “je m’en lave les mains”. En disant “excuse-moi”, tu remets ça à l’autre. C’est beau.» Miam.

WEEKEND_Alexandre Soublière Couverture
Amanita virosa
Éd. du Boréal
En librairie

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