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Idle no more: des femmes au front

Photo: Yves Provencher/Métro

Le mouvement autochtone Idle no more poursuit sa lutte. Une lutte principalement menée par des femmes. Au Québec, les Montréalaises Melissa Mollen Dupuis et Widia Larivière en sont les co-initiatrices. La première, innue, est une artiste multidisciplinaire, la deuxième, algonquine, est coordinatrice jeunesse pour Femmes autochtones du Québec. Rencontrées par Métro, ces deux jeunes femmes engagées parlent du rôle des femmes dans le mouvement.

Les fondatrices nationales sont quatre femmes de l’Ouest canadien et les leaders provinciaux sont pratiquement toutes des femmes. Pourquoi pensez-vous que se sont les femmes autochtones qui se sont levées?
Widia :
Tout d’abord, être femme et autochtone, ça veut souvent dire être doublement discriminée, alors peut-être ressent-on d’avantage l’urgence d’agir pour changer les choses. À cause de leur sensibilité, les femmes tiennent particulièrement au bien-être de leur communauté et à l’avenir de leurs enfants. Il y a un principe chez nous qui dit que lorsqu’on prend une décision, il faut penser aux sept prochaines générations.
Melissa : C’est un principe très important pour les femmes, et quand elles regardent comment nos droits et notre environnement sont mis en péril, elles n’y reconnaissent pas ce qu’elles veulent pour leurs enfants et leurs descendants.

Quel est le rôle des hommes dans le mouvement?
Widia :
Dans les manifestations, ce sont pratiquement toujours des femmes qui tiennent les banderoles, qui sont les plus visibles. Il y a des hommes impliqués. Cependant, ils se tiennent plutôt à côté des femmes, pour manifester leur soutien, au lieu de prendre les devants.
Melissa : Traditionnellement, les femmes autochtones avaient beaucoup de liberté et participaient à la vie politique. Les membres d’une communauté, dont les femmes, s’assoyaient en rond pour prendre les décisions. La loi sur les Indiens de 1867 a instauré le système de chefs et de conseillers, qui a placé les hommes au pouvoir et a évincé les femmes de celui-ci. L’Église a aussi diminué le rôle des femmes. Mais là, les femmes veulent reprendre tranquillement leur rôle traditionnel. C’est un peu ça le principe d’Idle no more : remettre tous les autochtones sur un pied d’égalité. Le mouvement n’est donc pas contre les hommes, mais il remet en question, en quelque sorte, le système de conseils de bande.

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Quel changement serait prioritaire concernant les femmes autochtones?
Widia :
La violence envers les femmes autochtones est ce qui est le plus dévastateur actuellement. Saviez-vous que les femmes autochtones ont trois fois plus de chance d’être victimes de violence que les non autochtones? Cette violence est symptomatique de tous les problèmes qui touchent notre communauté. Pour améliorer la situation, il faut donc d’abord améliorer les conditions de vie des autochtones et redonner aux femmes leur pouvoir traditionnel.

On entend moins parler d’Idle no more ces temps-ci, mais votre lutte n’est pas terminée. Quelles seront vos prochaines actions?
Widia :
Idle no more Québec marchera dans les rues pour la Journée de la femme à Montréal. Melissa fera un discours au nom du mouvement. Pour ma part, je participerai à un 6 à 8 causerie sur le pouvoir des femmes, pour parler des femmes au sein d’Idle no more.
Melissa : Du 20 au 22 mars, il y a trois jours d’appel à l’action nationale d’Idle no more, et Montréal ne sera pas en reste. Le 20, il y aura une activité spirituelle, probablement une cérémonie du lever du soleil. Le 21, nous manifesterons pour dénoncer la Loi de 2012 sur l’emploi et la croissance (ancien projet omnibus C-45) et la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable (ancien projet de loi omnibus C-38) qui auront un impact important sur l’environnement et nos droits territoriaux. Le 22 mars, c’est la journée internationale de l’eau, alors nous allons faire une action en lien avec la protection des lacs et des rivières, eux aussi menacés par ces lois. En plus, on fait régulièrement des Teach-in. Ça consiste à aller rencontrer les gens dans certaines organisations, comme la FTQ, leur parler des réalités autochtones et d’Idle no more.

La population semble méconnaître la réalité des autochtones et du mouvement. Qu’est-ce qui est important que la population sache pour vous comprendre un peu plus?
Melissa :
Idle no more ça a été un cri. C’est une cause reliée non pas à un seul enjeu, mais à un peuple.
Widia : Les lois C-45 et C-38 affectent nos droits territoriaux et notre environnement, et pourtant nous n’avons pas été consultés avant qu’elles soient adoptées. Ce qu’Idle no more demande, c’est que les gouvernements les suspendent et nous consultent. Non seulement par bonne foi, mais parce qu’ils sont obligés en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
Melissa : Il est vrai que le droit autochtone est compliqué et que les enjeux sont multiples. Mais la première chose à faire pour comprendre le mouvement, c’est de s’instruire au sujet des premières nations. Lors des Teach-in, je me rend compte qu’à peu près personne n’est capable de nommer les 11 nations autochtones qui vivent sur le territoire québécois.

Comment entrevoyez vous l’avenir de votre mouvement?
Widia:
Nous continuons de lutter, en combinant notre cause avec celles d’autres groupes qui ont les mêmes valeurs que nous, comme des groupes environnementalistes et féministes. Nous gardons espoir de faire réagir le gouvernement éventuellement. C-45 et C-38 font partie d’un projet législatif conservateur plus grand pour exploiter plus facilement les ressources naturelles du territoire canadien. À présent, ce que nous envoyons comme message au gouvernement, c’est que nous le surveillons, lui et ses projets de lois. Nous ne laisserons plus passer ce genre d’abus sans réagir.

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