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Redonner à l’orgue ses lettres de noblesses

Photo: Josie Desmarais

Puisqu’il est impossible de sortir l’orgue de l’église, il faut donc sortir l’Église de l’orgue. C’est ce que fait au quotidien la Lachinoise Isabelle Demers, qui s’est exilée au Texas pour vivre pleinement de sa passion. L’étoile montante dans le domaine était de passage à la Basilique Notre-Dame de Montréal pour donner une prestation dans le cadre d’un gala organisé par le Concours international d’orgue.

« C’est un peu comme être chef d’orchestre. On peut produire jusqu’à 450 différents sons », explique la menue musicienne, qui atteint du bout des pieds les dizaines de pédales, leviers et poussoirs qui sont au sol devant elle.

La native de Lachine a fait ses premières gammes, à l’invitation de sa mère, sur un orgue électronique, dans la chapelle de l’église des Saints-Anges du boulevard Saint-Joseph. Ce n’est que quelques années plus tard, alors que la paroisse a restauré l’orgue à vent, qu’elle a pu monter au jubé et vibrer au son des centaines d’harmonies possibles, une ivresse ressentie encore aujourd’hui.

« Le potentiel de chaque instrument est différent. Par exemple, la Wanamaker Grand Court, un orgue géant qui a été installé dans le magasin Macy’s à Philadelphie, compte 28 000 tuyaux. J’ai mis 22 heures à préparer mes sons et 8 heures à les pratiquer avant mon concert dans le centre d’achat », raconte la jeune femme.

Passion
Isabelle Demers est entrée au Conservatoire de musique de Montréal à 11 ans. En plus des nombreux prix qu’elle s’est mérités, elle a obtenu, en 2003, une bourse pour étudier le piano à l’École normale de musique de Paris. Plutôt que de partir en Europe, elle a auditionné pour la prestigieuse école d’art new-yorkaise Juilliard, où elle est entrée l’année suivante.

« J’ai commencé ma carrière en jouant du piano, mais j’ai vite compris que je pouvais avoir beaucoup plus de pouvoir derrière le clavier d’un orgue. Après l’avoir délaissée quelques années, je suis retournée à ma vraie passion. »

Elle s’est ensuite fait remarquer lorsqu’elle a donné une prestation de dix minutes au Minnesota, en 2008. Après le concert, elle a tout de suite été approchée par une agence avec laquelle elle a finalement signé un contrat.

« C’était mon premier grand spectacle, devant 3000 personnes. Je n’étais pas habituée à ce genre de réaction du public. Les organistes, au Québec, nous sommes plus souvent cachés de notre public et il n’y a pas d’interaction », précise-telle.

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Aujourd’hui assistante professeure d’orgue à l’école de musique Baylor, au Texas, elle déplore la place réservée à son instrument au Québec.

« Parce qu’on ne les trouve que dans les églises, les orgues ont cette connotation religieuse qui fait que les gens ont perdu l’intérêt pour cette musique, qui peut être tellement plus que ce qu’on imagine », concède-t-elle.

Dans le Sud des États-Unis, il n’est pas rare de voir des mélomanes donner de larges sommes afin de préserver les instruments historiques. Un philanthrope a même légué 100 000$ à sa congrégation, afin qu’elle préserve l’orgue.

« Malheureusement, ce genre de mécénat n’existe pas dans notre province, et pour cette raison, les musiciens qui ont choisi la même voie que moi ne parvienne pas à vivre de leur art. Au Texas, j’ai une liberté que je n’aurais pas si j’étais restée au pays. Je ne pourrais non plus faire carrière », conclut-elle.

Jusqu’au 30 octobre, les Québécois pourront renouer avec cette musique ancestrale, lors de concerts gratuits donnés dans diverses églises de Montréal dans le cadre du Concours international d’orgue du Canada.

Infos: ciocm.org

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