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Gentrification: au cœur de l'histoire du Plateau

Tranchemontagne Daphnée - TC Media
En 2011, le coût moyen d’un 4 ½ sur le Plateau était de 818 $, soit 79 % de plus qu’il y a dix ans. En 2006, près de 42 % des ménages locataires consacraient plus de 30 % de leurs revenus pour payer leur loyer, et ils étaient près de 23 % à y consacrer plus de la moitié de leur budget. La situation est préoccupante, mais pas irréversible, estime le Comité logement du Plateau-Mont-Royal. En lançant son portrait de la gentrification intitulé Plus le Plateau est in, plus les locataires sont out, il souhaite envoyer un wake up call: il est minuit moins dix, et il faut agir.

 

L’embourgeoisement du Plateau-Mont-Royal ne date pas d’hier. Lorsque l’on s’attarde à son histoire, on retrace ses racines au début des années 1970, époque où de jeunes étudiants attirés par la proximité du centre-ville et le faible coût des loyers – résultant de la désindustrialisation du secteur – ont envahi les alentours du parc La Fontaine.

Mais pourquoi regarder en arrière, alors que le temps presse et que l’on risque bientôt de frapper un mur? Pour avoir une vision globale du phénomène, et ainsi, mieux comprendre comment elle s’articule, dans le but de proposer des pistes de solutions efficaces, font valoir Paule Lespérance et Raphaël Lamy, du Comité logement Plateau-Mont-Royal.

« On voulait avoir un portrait d’ensemble. Tous les cinq ans, on publie une étude statistique des conditions de vie et des logements du Plateau-Mont-Royal. Mais on voulait un outil pour comprendre ces chiffres-là et ce qu’ils veulent dire. Ça permet de voir si une tendance se dessine et vers quoi on s’en va. Les chiffres, c’est bien beau, mais encore faut-il les interpréter. On les a replacés dans leur contexte historique, et on voit que le processus de gentrification suit son cours depuis plusieurs années », fait valoir Mme Lespérance, qui a rédigé l’étude.

L’analyse se base sur les dernières données statistiques disponibles, datant de 2006, celles du recensement 2011 n’étant pas encore complètement dévoilées. Il ne s’agit donc pas de « nouveaux chiffres », mais bien d’une relecture de ceux-ci. Même si en sept ans, le visage du Plateau-Mont-Royal a certainement changé, cela permet de constater la tendance qui se dessine, soutient Mme Lesperance.

Il n’est pas trop tard

Bien que le processus soit enclenché depuis de nombreuses années, il n’est pas trop tard, estiment Mme Lespérance et M. Lamy.

« Il est encore temps d’agir, mais il est minuit moins 10. On a souvent tendance à dire que les loyers augmentent, qu’on ne peut plus se payer un loyer sur le Plateau. Or, ce n’est pas juste une question de logements, ce sont de véritables petits drames humains. Les gens perdent également leur milieu de vie, leurs repères, bref, tout ce qu’ils connaissent », indique Mme Lespérance.

« L’idée est de mettre en lumière les acteurs derrière la gentrification, comme les banques et les spéculateurs, qui agissent avec la complicité des municipalités. La Ville de Montréal tire profit de ça et ne se mouille pas trop, lorsque des locataires vont poser des questions au conseil. Il y a un système qui ne fonctionne pas, en ce moment, en ce qui a trait au logement locatif », renchérit M. Lamy.

À la fin du document, le comité logement émet plusieurs revendications pour freiner ce phénomène. On compte parmi elles des investissements publics des trois paliers gouvernementaux pour se doter d’une réserve foncière, un contrôle universel et obligatoire des loyers, une interdiction de reprendre les logements tant que le taux d’inoccupation se maintient sous la barre du 3 % et une meilleure redistribution des richesses. Ces recommandations rejoignent celles formulées par le Comité habitation et aménagement urbain de la Corporation de développement communautaire Action solidarité Grand Plateau, dans le Cahier habitation Grand Plateau, dévoilé en novembre.

« On pousse les mêmes revendications, à quelques nuances près. Quand on parle d’inclusion de logement social, ce n’est pas ce que l’on met de l’avant. D’en avoir juste quelques unités dans un projet de condo, ç’a aussi des impacts sur l’ensemble du parc locatif », insiste M. Lamy.

Le Comité logement du Plateau-Mont-Royal organise une campagne de lutte pour une alternative à la gentrification. Le prochain événement se tiendra le 20 février, à 19 h. Pour information: www.clpmr.com.

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