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Web invisible: le paradis des narcotrafiquants

Photo: Collaboration spéciale

Un nombre croissant de revendeurs de drogues canadiens réalisent leurs opérations sur des plateformes de commerce électronique «invisibles», selon les découvertes d’un chercheur de l’Université de Montréal. Un phénomène encore méconnu.

Chaque année, plus de 180 M$ de stupéfiants sont échangés sur ce nouvel échiquier virtuel mondial selon les données présentées par David Décary-Hétu, professeur adjoint à l’École de criminologie de l’Université de Montréal. «Ce nombre n’est probablement que la pointe de l’iceberg. Nous n’avons pas étudié tous les cryptomarchés , et nous ne voyons pas tout.»

Le chercheur a  suivi les activités de 200 revendeurs canadiens sur le Web invisible pendant près de trois ans. Cette démarche particulière lui a permis d’estimer le nombre de ventes  de chacun d’entre eux.

Selon ses observations, 5% des échanges sont le lot de revendeurs canadiens, et ces derniers généreraient près de 5% des revenus mondiaux, soit environ 9M$.

Données cryptées
Pour arriver à leurs fins, les revendeurs ont recours au Web invisible, une partie d’Internet qui n’est pas référencée par les moteurs de recherche. L’utilisateur doit donc connaître l’adresse URL précise pour y avoir accès.

«La particularité du Web invisible ou du dark Net, c’est que tous les liens pour y naviguer sont cryptés, explique le chercheur.  Les transactions sont réalisées sans qu’on puisse retracer l’acheteur ou le vendeur au détail. La connexion de chacun passe par plusieurs ordinateurs, et les sites sont hébergés par plusieurs serveurs.»

Sur la page web, différents produits s’affichent selon les préférences de l’utilisateur. Des suggestions, des rabais et des nouveautés sont à l’honneur. En vente?   Marijuana, ecstasy, LSD, cocaïne et héroïne. À l’abri des regards, des dizaines de plateformes inspirées d’Amazon font leurs choux gras de la revente de narcotiques.

«Les revendeurs indiquent souvent le pays d’où ils proviennent pour encourager  leurs concitoyens à faire affaire avec eux. Au Canada, les colis ne sont pas systématiquement  inspectés s’ils ne traversent pas les frontières. Les risques d’interception sont donc moins grands», explique David Décary-Hétu.

Pour que toute trace de la transaction soit effacée, les paiements s’effectuent par monnaie cryptée, en majorité des bitcoins.

En hausse
David Décary-Hétu  n’est pas le seul à s’intéresser au phénomène de la vente et de l’achat de drogue en ligne. Selon le rapport de The Global Drug Survey, une organisation mondiale qui analyse la consommation de narcotiques à l’échelle planétaire, de plus en plus de gens achètent des stupéfiants sur le web invisible.

Parmi les 100 000 participants au sondage de l’organisme, 11 750 ont précisé avoir eu recours à des sites Internet en 2014. Plus du quart d’entre eux le faisaient pour la première fois, soit le double de l’année précédente.

L’enquête démontre également que les acheteurs sont plus satisfaits de la qualité de leur commande lorsqu’elle est réalisée en ligne.

Comme les cryptomarchés donnent accès à un plus large éventail de drogues, les consommateurs sont généralement plus prompts à effectuer des achats multiples et à expérimenter de nouvelles substances.

Surveillance
La Sûreté du Québec  affirme être bien au fait de l’ampleur du phénomène, mais ne détient aucune statistique précise sur les arrestations en lien avec les cryptomarchés.

«Les criminels s’adaptent toujours aux nouvelles technologies, mais les policiers aussi, assure Mélanie Dumaresq, porte-parole. Certaines personnes pensent que c’est plus facile de passer sous le radar sur le web invisible, mais nous sommes capables de localiser les utilisateurs.»

Postes Canada a refusé de dévoiler ses procédures de sécurité. Une équipe d’inspecteurs des postes travaillent toutefois en étroite collaboration avec les autorités policières.

Selon M. Décary-Hétu, le Web invisible continuera de prendre de l’expansion. Il sera toutefois toujours limité par les techniques d’expéditions, qui contraignent les revendeurs de drogue à ne marchander que de petites quantités à la fois.

L’étude «Studying illicit drug trafficking on Darknet markets: Structure and organisation from a canadian perspective» a été publiée dans le magazine Forensic  Science International.

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