«La rue» ne montre pas de signe d'accalmie
MONTRÉAL – On a maintes fois prédit l’essoufflement du mouvement étudiant, surtout depuis que la majorité des grévistes a repris le chemin de l’école. Mais «la rue», elle, n’a pas montré de signe d’accalmie, mercredi, alors que plusieurs milliers de personnes ont pris d’assaut les grandes artères montréalaises.
Cette sixième manifestation mensuelle du «22» s’est déroulée dans un calme relatif, sous un soleil de plomb. Une personne a cependant été arrêtée pour avoir commis un méfait, a indiqué le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Les vitres de deux véhicules — dont un appartenant à un média — ont par ailleurs été fracassées, a affirmé Laurent Gingras, porte-parole du SPVM.
La manifestation n’a pas été déclarée illégale car le SPVM avait réussi à obtenir des renseignements sur l’itinéraire par le biais de différentes sources.
Selon la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE), la foule a atteint le cap des 100 000 personnes.
Radio-Canada avait fait appel à une firme spécialisée pour évaluer la foule. Le résultat, qui oscille entre 11 650 et 12 250 personnes (avec une marge d’erreur de 10 à 15 pour cent), est beaucoup plus près de la réalité, a-t-on laissé entendre du côté du SPVM.
Au fil de la marche, quelques pancartes électorales ont été arrachées — surtout celles du Parti libéral du Québec (PLQ) — et des feux d’artifice ont éclaté. La tension a grimpé à chaque apparition de l’escouade antiémeute, surtout à l’avant du cortège, où étaient concentrés un groupe d’une vingtaine de manifestants masqués et vêtus de noir.
La manifestation a pris fin vers 17 heures, à la place Jacques-Cartier, et la foule s’est dispersée dans le calme.
Une dernière manif du «22»?
De l’avis de nombreux participants interrogés, il pourrait s’agir d’une dernière manifestation étudiante de cette ampleur dans les rues de Montréal. Cela ne signifie pas pour autant que la lutte aura été vaine, a plaidé Samuel Blouin, étudiant en sociologie à l’Université de Montréal.
«Personnellement, je crois que la grève est terminée, mais pas nécessairement la mobilisation contre la hausse des frais de scolarité. Le prochain gouvernement qui va vouloir décréter une hausse des frais de scolarité va y penser à deux fois. Je pense que déjà, c’est un gain», a suggéré l’étudiant âgé de 21 ans.
D’autres, comme Jean-Christophe, sont d’avis que la jeunesse québécoise continuera de battre le pavé, et ce, peu importe le parti qui sera porté au pouvoir dans moins de deux semaines.
«Même si c’est le Parti québécois qui rentre, il y en aura d’autres. À aussi grand déploiement, peut-être pas, mais il va y en avoir d’autres, c’est sûr», a lancé le jeune homme, qui était maquillé de rouge de la tête aux pieds.
Chasser le PLQ, oublier la CAQ
Avant que le cortège ne se mette en branle, les présidentes de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) et de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) ont uni leur voix pour demander encore une fois aux Québécois de chasser du pouvoir le gouvernement libéral lors des élections du 4 septembre.
La présidente de la FEUQ, Martine Desjardins, a profité du point de presse pour saluer l’«intelligence» des étudiants, qui ont opté pour une trêve électorale, réussissant ainsi à «déjouer les plans libéraux».
«Ils voulaient voir du grabuge, de la violence, pour encore une fois discerner les vrais Québécois de la rue, a lancé Mme Desjardins. La rue, c’est aussi aussi les Québécois.»
Montrer la porte au gouvernement libéral ne suffit toutefois pas, selon les deux fédérations étudiantes. Elles appellent ainsi les Québécois à ne voter ni pour le PLQ, ni pour la Coalition avenir Québec, les deux partis qui préconisent une hausse des droits de scolarité.
«On espère se retrouver, le 5 septembre au matin, avec un gouvernement qui ne propose pas de hausse des frais de scolarité», a résumé la présidente de la FECQ, Éliane Laberge.
La population se souviendra, au moment d’apposer son x sur le bulletin de vote, de la manière dont le PLQ a traité la jeunesse québécoise, croit-elle.
«Rarement, au Québec, on a été face à un gouvernement aussi intransigeant et aussi méprisant que le gouvernement du Parti libéral du Québec, a dénoncé Mme Laberge. On a ri au visage de la jeunesse québécoise.»
Les deux leaders espèrent parvenir à «faire sortir le vote» des jeunes en empruntant les mêmes stratégies que les partis électoraux, notamment en utilisant les listes téléphoniques de leurs membres dans chaque région, a signalé Martine Desjardins, qui souhaite voir le taux de participation électoral des jeunes atteindre 60 ou 65 pour cent.
Pour sa part, la coporte-parole de la CLASSE, Jeanne Reynolds, estime que l’élection ne suffira pas à régler le malaise qui a pris naissance le printemps dernier, mais juge que la grève aura au moins eu le mérite de susciter «un autre niveau» de réflexions et de débats.
«C’est déjà une victoire. C’est pour ça que peu importe ce qui va se passer dans les prochaines semaines, il va falloir continuer à se mobiliser, continuer à se questionner collectivement et parler d’éducation», a-t-elle exposé.
Les étudiants doivent se réunir en congrès extraordinaire le 13 septembre pour discuter de la suite des événements, à la lumière de l’issue du scrutin provincial.